Un film de plus sur un duo que tout oppose et qui vont devoir s’éduquer mutuellement s’ils veulent avancer dans la bonne direction. Cela ne semble pas passionnant au départ. Le film se démarque en cassant le stéréotype, surtout à cette époque, du maitre blanc prenant le noir avec du potentiel sous son aile en inversant la situation. Ici l’érudit est le noir malheureusement plongé dans un environnement qui ne le reconnaitra pas en raison de sa couleur de peau.
On entame donc la balade avec un italo-américain bagarreur et peu raffiné en besoin de trouver un job pour nourrir sa famille. On lui rencarde un job de chauffeur pour un certain Dr. Shirley. En s’y rendant, il constate qu’il est afro-américain, ce qui est gênant vu qu’il a manifesté un profond racisme auparavant. S’ensuit un road trip mêlé de tendresse, de rire et malheureusement de haine raciale à peine dissimulée. Dans ce voyage Marshala Ali va éduquer Viggo Mortensen tandis que ce dernier le protègera de ce qui l’attend au tournant. À moins que ce rapport ne s’inverse…
Being genius is not enough, it takes courage to change people's hearts.
Alors autant le dire tout de suite, ce film est brillant non pas par sa réalisation mais par son duo d’acteurs. Ali & Mortensen sont juste impeccables tout du long (si on occulte le fait que la prestation d’Ali jouant l’homme bourré n’est pas tellement convaincante). Et c’est cette relation entre deux hommes qui n’ont rien en commun qui va arriver à tirer les bonnes cordes pour nous émouvoir. Un génie plongé dans sa solitude car le monde peut comprendre son art mais ne peut pas accepter sa personne et ceux qui peuvent accepter sa personne ne peuvent comprendre son art. Un génie qui va trouver un sens aux choses sous le regard du rustre de service. Une amitié improbable, n’ayons pas peur des mots, une bromance !
Le film est par moment vraiment drôle, par moment vraiment dur (sans jamais rentrer dans la dureté insoutenable de certaines exactions de l’époque) et parfois un peu stéréotypé également (ce qui n’était pas nécessaire mais ne gêne pas vraiment la vision du film à mon sens).
Je n’ai personnellement pas très bien compris le passage où l’homosexualité de Don Shirley est révélée au grand jour subitement sans avoir eu d’indices au préalable sur la question et sans que cela ne joue en quoi que ce soit sur la suite de l'intrigue/aventure. À vrai dire, le mot ne sera même pas prononcé ni la moindre référence à ce passage. On dirait un point de vue qu’on a décidé de ne pas évoquer dans le film au montage final. Mais alors pourquoi avoir laissé cette scène d’arrestation dans les douches qui tombe comme un cheveux dans la soupe ? On n’avait pas réellement besoin de cet élément pour expliquer sa solitude…
Les scènes de route ne sont pas exceptionnelles, le voyage n’est qu’un prétexte à réunir les deux hommes sans qu’ils ne puissent se séparer et on n’assistera pas à de réelles différences d’environnement selon les lieux visités. Le temps passé sur les routes n’est pas concrètement tangible d’autant plus que l’échange de lettres qui arrivent immédiatement dans les mains de la femme de Tony à l’instant où elles s’écrivent n’aide pas à voir ce fameux temps s’écouler. Mais le ton oscillant entre le comique de certains moments et le tragique situationnel, restant tout public, est diaboliquement bien maitrisé. Cela donne l’impression de monter sur le rollercoaster de la vie et d’en savourer chaque tour.
You never win with violence. You only win when you maintain your dignity.
Bref, un très beau film sur les différences et la façon de les dépasser emmené par un duo d’acteurs sortant toute leur panoplie pour effacer les manquements de la réalisation. Cela n’innovera pas le genre mais devrait néanmoins être vu par tous, du plus petit au plus grand, tant son message est universel et devrait être rappelé dans ces temps où l’homme cherche plus à savoir s’il doit exclure les pauvres ou les migrants en premier lieu de son pays plutôt que de sauver la terre…