Roger Greenberg est un quadragénaire maniaco-dépressif vivant à New York.Après un séjour en psychiatrie,il revient à Los Angeles,dont il est originaire,pour y occuper pendant quelques semaines la belle villa de son frère,riche homme d'affaires parti en vacances au Vietnam.Il en profite pour renouer avec ses amis et amours d'autrefois,pas vus depuis quinze ans, et pour entamer une liaison avec l'employée de maison de son frangin,mais les choses ne se passent pas très bien.Noah Baumbach,réalisateur et scénariste du film,est un peu le nouveau Woody Allen.Comme son aîné,c'est un juif new-yorkais,comme lui il pratique un cinéma auteurisant tragi-comique centré sur un personnage déboussolé,comme lui il procède par des séries de conversations très bavardes.Mais ça n'atteint tout de même pas la qualité allenienne."Greenberg" manque de nerf et de chair,les dialogues ne sont ni assez brillants pour flatter l'intellect ni assez profonds pour émouvoir,et les personnages ne suscitent guère d'empathie,à commencer par celui de Roger,qui lui n'en montre aucune.A travers ce personnage,Baumbach semble vouloir stigmatiser la génération des quadras adulescents,qui refusent de grandir et d'accepter le monde tel qu'il est.Roger est un connard autocentré qui est resté bloqué dans ses années de jeunesse et s'applique à ignorer qu'il est le seul à ne pas avoir évolué,d'où sa frustration et son agressivité.Se complaisant dans ce qu'il croit être une aura de rebelle asocial,il ne se rend pas compte qu'il est juste ridicule.Ainsi,il passe son temps à écrire à diverses institutions ou sociétés commerciales pour se plaindre de leurs services,et à maltraiter les rares personnes qui ont encore l'imprudence de le fréquenter.Ces derniers lui servent de souffre-douleurs qu'il manipule à la manière d'un pervers narcissique en revenant vers eux tout penaud à chaque fois qu'il les a blessés.Cependant,Roger n'est pas vraiment dupe de la comédie qu'il joue,et il sait bien que son intransigeance et ses caprices ont gâché sa vie et en partie celle de ses proches.Alors il regrette.Il regrette d'avoir sabordé le groupe musical qu'il formait avec deux copains pile au moment où leur carrière allait décoller,il regrette d'avoir rompu avec sa copine de jeunesse,et il essaie vaguement de recoller les morceaux.Mais il est trop tard,le temps a passé,et les autres,contrairement à lui,se sont fait une raison,se sont adaptés aux situations et ont évolué sans espoir de retour.Le mal-être de Greenberg,qu'il projette sur ses interlocuteurs,ne lui sert qu'à masquer sa solitude ancrée dans sa jeunesse disparue.Et ce décalage se perpétue dans la scène de la fête organisée par la nièce de Roger,lors de laquelle il est en contact avec des jeunes,des vrais,ceux d'aujourd'hui,et où éclate cruellement son déphasage total.Il pense être proche de ces gamins,alors qu'ils se moquent de lui et le considèrent pour ce qu'il est à leurs yeux,un vieux con.Car les jeunes actuels ne sont pas ceux d'hier,les comportements et les codes ont été totalement transformés.D'ailleurs,quand ça l'arrange,Roger est conscient de son âge.C'est le cas dans le cadre de sa relation avec Florence.Il panique et rejette son amour car elle a 25 ans,ce qui lui fait très peur.Parce qu'au fond ce mec est surtout paniqué par l'idée de prendre des responsabilités,ce qu'il a passé sa vie à fuir.Et une jeune femme,ça a des attentes,ça veut de l'amour éternel,une vie stable construite sur une carrière professionnelle sérieuse,des enfants à élever,toutes choses qui terrifient Greenberg.L'histoire entre Roger et Florence,et celle entre Roger et Beth,son ex qu'il tente plus ou moins de reconquérir,entre en résonance avec la vie amoureuse de l'auteur,dont Greenberg serait en quelque sorte le double.En effet,Baumbach a imaginé l'histoire du film avec Jennifer Jason Leigh,alors son épouse et qui joue le rôle de Beth,et ils se sont séparés à peu près à la même époque,le réalisateur quittant sa femme pour se mettre en couple avec une plus jeune,en l'occurrence l'actrice principale du film,Greta Gerwig,qui deviendra sa coscénariste sur "Frances Ha" et "Mistress America",et qui est aussi cinéaste,du reste son "Les filles du docteur March" est sorti récemment."Greenberg" a certaines qualités,les lubies de Roger étant parfois drôles et L.A. étant bien filmée,avec ses luxueuses maisons avec piscines,ses grandes avenues,ses palmiers,ses collines où on se balade.Les bruitages sont au top et font ressentir l'ambiance de la ville,tandis que la bande-son est excellente.On y entend même le "Melody" de Gainsbourg,Baumbach faisant vraisemblablement partie de ces américains qui croient encore qu'il est chic d'inclure de la langue française dans leurs oeuvres.Ben Stiller est fantastique dans le rôle-titre,faisant preuve d'une intensité quasiment inquiétante,et Greta Gerwig est magnifique en fille gentille,naïve et un peu gauche.Rhys Ifans,en ami blessé mais fidèle malgré tout,compose avec classe et subtilité le personnage d'Ivan.Quant à Jennifer Jason Leigh,bien vieillie,on la voit peu mais elle coproduit le film avec Scott Rudin.Le reste du casting est assez curieux,mêlant des cinéastes comme Mark Duplass et Jake Paltrow ou des valeurs montantes d'Hollywood telles que Juno Temple,Brie Larson ou Dave Franco.Et le berger allemand est formidable.

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le 10 janv. 2020

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