Méchants excellents, joli univers de conte 'déviant', humains sans attraits

À la base, les gremlins sont des petites créatures farceuses sabotant le matériel de guerre. Cette notion ironique employée pendant la seconde guerre mondiale a été au centre d’un livre de Roahl Dahl et quelques cartoons ont évoquée la créature. Ce n’est qu’en 1984 que les Gremlins adoptent une forme avérée avec le film éponyme de Joe Dante. Les gremlins y sont de géniales créatures sans autre but que le chaos et la rigolade trash, encore plus jouisseuses que les martiens de Mars Attacks ! douze ans plus tard. Le film est alors un (petit) phénomène de société et reste une immense référence.


Dans ce film qu’il met au point en collaboration avec Spielberg (producteur) et Chris Columbus (scénariste), Dante mixe les genres et même les degrés : on flirte avec l’horreur, ses mécanismes sont là, mais on ne va pas totalement vers elle, car elle émane d’une source fantaisiste et pas de l’Homme. La farce macabre emprunte l’allure du slasher ; la tension monte, la rupture est imminente, il y aura peut-être une mort (hors-champ) mais surtout il y aura le chaos.


Tout en étant une comédie familiale (sortie en salles à l’époque de Noël), Gremlins peut donc être relativement traumatisant pour les plus jeunes. Sa nervosité, sa violence, sont en même temps tout ce qu’un enfant peut espérer : enfin un film attaché à dépayser et effrayer. Les autres profitent aussi du spectacle car Dante est un metteur en scène talentueux.


Il installe un affrontement entre la civilisation et les gremlins malfaisants, dans un univers esthétique aux contrastes forts, avec beaucoup de lumières sombres ou saturées. Cela l’inscrit dans la lignée de produits comme Les Contes de la Crypte, l’étape suivante pour les enfants en quête d’horreur. Certaines scènes sont impressionnantes, celle de la cuisine tout particulièrement. Les effets spéciaux en animatronique étaient une performance et ont gardés dans l’ensemble leur éclat. D’autres moments sont plus cheap mais reliés à (et justifiés par) un certain kitsch festif, en mode ‘esprit de Noel’ ou archétypes de films d’aventures et de mystères se donnant avec un certain second degré (l’ensemble de ce qui est relatif à l’Asie est concerné). Les spectateurs relèveront aussi de nombreuses références, immédiates (à ET l’extraterrestre ou Indiana Jones) ou ‘classiques’ (films en noir et blanc des décennies précédentes) ; Gremlins rejoint ainsi Retour vers le futur sur le banc des films geeks des années 1980.


Le charme opère mais les griefs à porter sont légion. Comme toujours avec Dante, il faut se farcir des messages sociaux et politiques simplistes et faciles, blâmant les forces de l’ordre, le chauvinisme et surtout le capitalisme. Pour ce dernier, Dante le fait notamment au travers de Madame Deaggle, sorte de protestante machiavélique, réac et sadique ; et théâtrale, bien sûr. Les cibles de Dante ou même ses préoccupations (écologistes) peuvent être partagées, mais il ne suffit pas d’être dans un bon camp pour avoir raison. Les catégorisations rigides affectent aussi les personnages en général et les relations. Gremlins est un film sans humains attachants, à moins d’être conciliant ou d’humeur sucrée ; les lézards mutants le seront diversement.


En marge, nous avons donc pour personnage principal l’employé de banque naïf, le gentil jeune homme affable et lunaire de service (sans allez vers la débilité légère du héros de L’Aventure Intérieure – film assez troublant d’un point de vue social, lui). Toujours un peu enfant, amoureux des animaux, il est assez kawai pour amener son chien Barney sur son lieu de travail. Le père est miné par une erreur d’afféteries et de casting. L’acteur et le personnage ne ‘collent’ pas avec l’archétype de l’inventeur de produits loufoques et désastreux, bien que ses échecs servent probablement à le mettre en échec volontairement. Lorsqu’il glisse vers ses facettes de bon papa et de conteur chaleureux, le manque d’approfondissements et de déterminations empêche encore d’y croire.


Dans l’ensemble les personnages, surtout la petite famille, sont un peu légers et c’est supposé être marrant, mais qu’ils agissent de manière si peu scrupuleuse est carrément rageant. Tout le monde le souligne en permanence pour les films d’horreur, il est temps de le signaler sur Gremlins ! D’ailleurs les individus ne sont que solidaires de négligences les dépassant – on en trouve dans les degrés de luminosité, les lenteurs d’enchaînements ou de réactions, ou encore avec ce succès improbable du blocage de la porte du cinéma. Heureusement, l’idylle crétine prend peu de place et la niaiserie du groupe principal ne suffit pas à gâcher l’ambiance – on tire des qualités des défauts de caractérisation.


https://zogarok.wordpress.com/2017/08/29/les-gremlins/


La suite : https://www.senscritique.com/film/Gremlins_2_La_Nouvelle_Generation/critique/25760117

Créée

le 26 août 2017

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Zogarok

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