avr 2011:

Étonnante production italienne, d'abord parce qu'elle prend beaucoup de risques. Le film traite d'un sujet tellement casse-gueule, la peur de la mort, qu'il apparait attaquable sur plusieurs plans. Facilement larmoyant, il aurait pu également enfoncer des portes ouvertes. Y avait des chances.

Qui plus est, Davide Ferrario choisit de le traiter via un personnage controversé, une actrice pornographique. Pour couronner le tout, le cinéaste va jusqu'au bout de sa logique et film tout. Sans tabou.

On ne pourra toutefois pas lui faire le reproche de filmer les scènes explicites de manière spectaculaire et irréaliste parce que toutes les séquences du film sont logées à la même enseigne. L'abord des scènes explicites n'a donc rien de graveleux ni de pornographique au sens libidinal du terme.

De toute façon, le thème principal ne s'y prête guère. L'histoire n'a strictement rien d'excitant, bien au contraire. Le sujet est grave, tendu. Les personnages sont presque bien fouillés. C'est bien plutôt l'enchainement des situations, la construction narrative qui densifient un peu le film.

Mais les personnages charrient parfois des bagages un poil stéréotypés. Difficile pour moi d'accepter totalement le discours que tient le film, le discours de fond s'entend. Disons que la morale de la fable est un peu douteuse. Je m'explique. En fin de compte, on se rend compte que le film montre l'évolution moraliste voire traditionaliste et ultra conventionnelle du personnage principal : d'une actrice épanouie, bisexuelle, vivant une histoire d'amour et sexuelle heureuse avec une femme, complètement fière de faire carrière dans le porno, la maladie éteint ces flammes de vie, la bouleverse à tel point qu'elle tombe amoureuse d'un homme. D'un schéma moderne on retombe dans le classicisme majoritaire, espace obligatoire pour trouver la paix de l'âme et du corps. Ce basculement se fait de façon progressive mais prend figure de solution, de juste retour des choses, construit des certitudes sur lesquelles elle fonde son salut. C'est un peu dommage que le regard archaïque et machiste prenne le dessus. D'une femme évoluée, assumant pleinement sa liberté, Nina devient une femme dépendante des autres, de ses amours, de ses amis, de sa profession.

Alors, j'accorderais cependant une certaine indulgence car évidemment le propos du film se situe essentiellement sur la catastrophe que constitue l'arrivée d'une maladie qui casse tout et oblige à tout reconstruire de manière différente.

Et surtout, les acteurs offrent des performances de grande qualité. Elisabetta Cavallotti en premier lieu est très étonnante, dans le don de soi et la grande richesse de tonalités qu'elle parvient exprimer. Une très bonne actrice. Mais les seconds rôles sont presque tous très naturels et vrais.

En tout cas, voilà un film culotté et qui ne peut guère laisser indifférent, peut-être pas aussi bon qu'il voudrait s'en donner l'allure mais indéniablement un film intéressant.
Alligator
6
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le 17 avr. 2013

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