Malgré les apparences "Habemus Papam" se révèle d'une simplicité et d'une accessibilité étonnante. Nanni Moretti ouvre son film à la manière d'un documentaire, ou d'un reportage télé (idée soulignée par le fait que l'on voit les images filmées par une caméra de télévision et que l'on entend les commentaires d'un journaliste, d'ailleurs très couillon.). La caméra pénètre dans le conclave, et montre, chose encore jamais faite à ma connaissance, l'intimité des cardinaux et le déroulement du vote du nouveau pape.
Dés les 5 première minutes tous les tons que le film traversera sont donnés ; tristesse (mort du pape précédent), comique burlesque (chute d'un cardinal à cause d'une coupure de curant) et angoisse (le choix décisif des cardinaux, leur volonté profonde de ne pas être élus...).
Mais le film a deux intérêt principaux. Tout d'abord la confrontation entre psychanalyse et religion, qui tous deux établissent des protocoles fondamentalement incompatibles. Le psychanalyste (interprété de façon naturelle mais un tantinet excessive par le réalisateur) le dit très bien ; "Je ne peux pas faire mon travail !". En effet la religion est montrée d'une façon très réaliste (n'en déplaise aux puristes) ; pleines de règles, de protocoles étouffants et de non-dits, elle condamne toute liberté, fait pression et kidnappe presque physiquement qui veut bien s'offrir. Le personnage du psy est littéralement enrôlé de force dans un monde auquel il ne veut pas appartenir. Mais le tout est traité avec tellement de finesse et humour que l'on a du mal à être gêné ou blessé.
Car le film a pour thème transcendant la recherche de la liberté qui est totalement obstruée par la religion. Foi et liberté semblent incompatibles et c'est un point de vue assez primaire mais intéressant, quasi philosophique en quelques sortes. Le symbole de cette recherche dans le film c'est ce pape qui refuse sa condition et qui fuit littéralement le monde qui le retenait jusqu'alors. Formidable interprétation d'un Michel Picolli qui n'a plus rien à nous prouver. Son jeu est beau, drôle, touchant, puissant, profond, riche en émotions, et on ne peut s'empêcher de sourire face à ce regard perdu mais rieur d'un des plus grands acteurs français. Il magnifie son personnage que l'on suivra dans ses pérégrinations dans le monde merveilleux qu'est la vraie vie, à la découverte des vrais gens, ceux qui ont foi en lui, des fidèles tout simplement.. Parti pris intéressant que ces derniers semblent ne rien penser de ce pape qui refuse de ce montrer. Partout il s'incruste et ne semble gêner personne ; dans un hôtel, à une table de restaurant, dans une bande de collègues, dans une troupe d'acteurs théâtre... Idée ingénieuse de montrer le désir et l'amour profond de ce pape pour le théâtre et pour le métier d'acteur... Il y aurait-il un second sens caché de la part de ce réalisateur ouvertement athée et politique ? Néanmoins les séquences avec Picolli sont d'une beauté sans nom, contrastant avec le burlesque quasi extrême et pesant de ce groupe de cardinal qui se met à jouer aux cartes, à faire du volley... Interessant, intelligent mais poussé tellement à son paroxysme qu'on semble regarder une parodie... Dieu que ce film a dû choquer !

Malgré certaines scène à mon sens ratées (la scène du théâtre aurait put être extrêmement puissante, peut être même autant que la scène finale , mais celle - ci vire au dérapage complet...), Moretti signe un film à la mise en scène originale et recherchée mais tout aussi simple, qui montre un côté humain et accessible à tous de la religion et de ceux qui en font leur vie. Touchant, burlesque et profondément humain.

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le 26 oct. 2014

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Charles Dubois

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