"A base de pa-pa-papam..." (!) SPOIL WARNING (!)
"Habemus Papam" ressemble, en surface, à un petit film sans aspérités, simple et naïf. Une sortie plutôt discrète, zéro effets spéciaux, pas de mega stars au générique, un titre à coucher dehors, un sujet et une affiche austères... Soyons francs, à première vue, on se dit que ça risque d'être un peu chiant. Et puis non. Ca l'aurait été si Moretti s'était contenté d'un espèce de huis-clos où le pape nouvellement élu se prendrait la tête sur son sort, l'air grave et taciturne, pendant 1h40. Mais il n'est pas tombé dans ce piège, ni dans celui d'une oeuvre délivrant lourdement un message provocateur trop appuyé. Ici, l'irrévérence est subtile, ce qui ne l'empêche pas de faire son chemin. Le choix de Piccoli pour incarner ce pape en déroute, par exemple, n'a rien d'anodin ; car Piccoli a tout du vieux lambda, si vous me passez l'expression. Celui que vous pourriez croiser dans la rue, ou assis sur un banc en train de lire son journal. Le grand-père tranquille, posé, passe-partout. C'est pourquoi dans le film, il n'a jamais l'air autant dans son élément qu'au milieu de la foule. Cette période d'errance, de doute, à la limite du désordre mental, qui démystifie totalement l'idôle et constitue le coeur de l'histoire, a déjà de quoi faire grincer quelques dents : jamais ce grand chef religieux n'aura paru si humain. Durant sa fuite, son "rôle" sera d'ailleurs tenu par un valet, un type banal et même un tantinet beauf, portant d'habitude un costume qui rappelle ceux des bouffons... Ce qui n'empêchera pas les cardinaux les plus émérites de se laisser berner. Que faut-il en déduire ? Qu'aujourd'hui, n'importe qui, même l'idiot du village, peut se proclamer meneur spirituel, tant qu'il y a des moutons pour le suivre ? Que la parole du pape ne trouve plus d'échos dans le monde, qu'il est dépassé par l'individualisme ? Moretti fait tout de même preuve d'un certain culot.
Ce qui nous amène à un second point important et tout aussi irrévérencieux : la présence du psychiatre (athée, évidemment). D'abord étouffé par la mission qui lui a été attribué, comme prisonnier des cardinaux, il finira par les diriger, se posant en arbitre, lors d'un tournoi de volley symbolique. Le nouveau pape lui-même, totalement désorienté, s'abritera un moment derrière la psychanalyse en consultant... une femme. Il réalisera même, par ce biais, qu'il a raté sa vocation ! Là encore, le message du réalisateur a de quoi déranger certains : il sous-entend tout simplement que cette pratique est la nouvelle religion, et que si le christianisme est en perte de vitesse, c'est qu'il ne sait plus, contrairement à elle, rassurer les hommes et leur permettre de s'élever.
Si l'on ajoute à tout cela un final apocalyptique, qui vient confirmer avec la délicatesse d'un coup de massue tout ce que je viens d'énoncer, plus quelques autres détails assez croustillants (l'hypocrisie des cardinaux, leur consommation de médocs à tort et à travers...), on s'aperçoit que décidément, ce "Habemus Papam" est un film bien réjouissant, qu'il ne faut pas juger sur les apparences, ou Moretti parvient à donner un sacré coup de pied dans la fourmilière sans sombrer un instant dans des schémas maintes fois éprouvés.