La filmographie de John Carpenter est fortement imprégnée de sous-textes politiques et sociologiques (New York 1997, Los Angeles 2013, Invasion Los Angeles... pour ne citer que les plus évidents). Son premier grand succès, Halloween, ne déroge pas à la règle et peut être perçu comme une dénonciation implicite et cynique du puritanisme américain. Cependant, force est de reconnaître que le motif des agissements de Michael Myers, le bogeyman du film, n'est jamais expliqué. Est-il un petit américain élevé dans le respect des bonnes traditions qui a pris les préceptes judéo-chrétiens un peu trop au pied de la lettre ? Ou est-il, comme le crie le docteur Loomis, le mal absolu ? Carpenter ne nous dit rien à son sujet et c'est justement le mystère qui entoure le personnage qui le rend effrayant.


Qu'à cela ne tienne ! Halloween 2 change la donne et nous révèle toute la vérité. Bien que "Big John" ait écrit ce deuxième opus, il s'agit ici d'une pure commande distribuée par un grand studio (Universal). John Carpenter n'était d'ailleurs guère enthousiaste face à ce projet et aurait même déclaré avoir été forcé de l'écrire. Il en a tout de même refusé la mise en scène, ne souhaitant pas "réaliser une nouvelle fois le même film". Et il faut l'avouer, ce manque de foi se ressent lors du visionnage. Côté suspense, ce sont en gros les mêmes ficelles que pour le premier film auxquels ont été ajoutées des inserts gore tournés par Carpenter lui-même — contre l'avis du réalisateur Rick Rosenthal — pour essayer tant bien que mal de faire sursauter le spectateur. Faute d'idées neuves, on notera quelques emprunts à d'autres films horrifiques comme un gros clin d'œil à Profondo Rosso de Dario Argento lors d'une scène de noyade dans l'eau bouillante, avec la très bustée Pamela Shoop. C'est racoleur et ça ne fait jamais peur.


Mais sinon, qu'apprenons-nous dans ce film ? Honnêtement, rien... jusqu'à la fin du film où l'on découvre finalement, par on ne sait quel Deus Ex Machina, que Laurie Strode est en réalité la sœur de Michael Myers ! Du coup, le mode opératoire de Michael devient limpide : son but dans la vie, c'est de tuer ses sœurs. Quoi ?! Annie et Linda, les victimes du premier film, n'étaient donc que des dommages collatéraux ? Un peu léger tout ça et à des lieues de l'opus de Carpenter, dans lequel il était clair que Michael zigouillait les jeunes s'apprêtant à commettre (ou ayant commis) le "péché de chair".


Ne nous faisons pas d'illusions, cette révélation finale est une fausse bonne idée qui n'a pas été anticipée lors de l'écriture du premier opus et qui surfe sur un effet de mode. Car Halloween 2 — la suite du super succès Halloween de 1978 — est sorti aux États-Unis en 1981, soit un an après L'Empire contre-attaque — la suite du méga succès La Guerre des étoiles de 1977 — qui se concluait sur une révélation désormais bien connue de tous : "Luke, je suis ton père". Alors pourquoi ne pas faire un "Laurie, je suis ton frère" à la fin de Halloween 2 ? Et ce n'est pas fini : après plus d'une heure de métrage, le film fait soudainement référence à Samhein, la fête religieuse qui célèbre le début de la saison "sombre" de l'année celtique dont est dérivée la fête d'Halloween. Cet élément débarque d'un coup, comme un cheveux sur la soupe, lui aussi, afin de donner un visage mystique au personnage de Michael. Ce qui fera dire aux futurs scénaristes de Halloween 6 que Michael est en fait le bourreau d'une secte de druides !!! On nage en plein n'importe quoi.


Malgré une aura presque aussi culte que l'opus de Carpenter, cet épisode reste une suite assez pauvre scénaristiquement, cassant parfois le pouvoir de suggestion du premier film. Bien que dotée d'une mise en scène "à la Carpenter", Rick Rosenthal n'arrive jamais à égaler son illustre prédécesseur et encore moins de s'en affranchir. Mais Halloween 2 a ouvert une brèche dans laquelle toutes ses (mauvaises) suites vont s'engouffrer : l'histoire de famille. Plus personne n'est jamais revenu sur le fait que Laurie Strode est bien la sœur de Michael Myers, pas même Rob Zombie. Moins bon que son illustre aîné, plus proche d'un potache Vendredi 13, le film se laisse tant bien que mal regarder à condition de ne pas trop lui en demander.


P. S. : mention spéciale au thème musical de la saga — composé par Carpenter — totalement massacré ici par une orchestration digne d'une composition pour Game Boy.

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le 26 sept. 2011

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MajorTom

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