Rob Zombie n’est plus à un parjure prêt, lui qui disait répugner les séquelles, et ne jamais se compromettre dans ce type d’exercice. The Devil’s Rejects était néanmoins l’exception qui confirme la règle, et se positionnait comme une suite très différente de La Maison des 1000 Morts, comme ce Halloween II. Il aurait néanmoins pu en être autrement. Le duo de réalisateurs Alexandre Bustillo & Julien Maury s’était initialement positionné durant près d’un an avant que le projet ne capote face au revirement d’opinion du métalleux à dreadlocks, faute de pouvoir imposer son démentiel Tyrannosaurus Rex aux Weinstein. Les deux français auront néanmoins l’opportunité de recycler leurs idées pour une autre origin story centrée autour du personnage de Leatherface.


Le Masque Oublié


Pour Zombie, la date de sortie précipitée par les producteurs ne l’aura pas aidé à mener cette entreprise sereinement. Mais qu’importe, puisque la condition sine qua non de son retour les contraignait d’emblée à lui accorder un contrôle plus important de sa création. Les errances de son croquemitaine lui permettront d’orchestrer une nouvelle mécanique de prédation d’une violence complaisante et barbare. Pour autant, l’entreprise témoigne de quelques tiraillements comme son prologue introductif tend à le prouver. Le carnage de l’hôpital autrefois mise en scène par Rick Rosenthal (Halloween 2) devait nécessairement figurer dans le film. Au lieu de le reproduire à l’identique, le cinéaste a préféré réduire cette séquence à un pure exercice de style. Cette vision traumatique enterre d’ailleurs son concurrent sur tous les plans, que cela soit en terme de maîtrise, de tension et d’effroi.


De ces compromissions et contraintes de temps résulte un film assez bâtard et éviscéré, à l’image de cette scène où Myers se repaît des boyaux d’un chien. Le traitement misérabiliste et ordurier de cette communauté de marginaux s’accommode tant bien que mal à cette nouvelle croisade meurtrière envers et contre tous. La réinterprétation du Docteur Loomis en écrivain cynique à la solde du dieu dollars, témoigne de la misanthropie du cinéaste à l’égard de ses producteurs, se rangeant définitivement du côté de Myers qu’il humanise au détriment de ses victimes (un ambulancier aux tendances nécrophiles, un proxénète libidineux, un videur bourru et violent, une horde de rednecks pouilleux). En tant que bourreau, Myers s’alimente de la lie d’une humanité abjecte afin d’y puiser l’essence du Mal (luxure, cupidité, haine), donnant un sens cathartique à ses mises à mort punitives.


Rob Zombie poursuit donc sa quête de réappropriation du mythe pour faire de sa silhouette monolithique le véritable père fouettard des légendes : ténébreux, massif, barbu, cheveux hirsutes et look poisseux. La résurgence du Mal répond à l’aliénation du spectre familial. Tel Charon, Myers poursuit sa traversée dans des eaux funestes, avec l’objectif de franchir l’autre rive au côté de ses proches qu’il tente de réunir pour Halloween. C’est ce cheminement filial qui intéresse le réalisateur, cherchant à draguer les fonds de la psyché tourmentée de son couple de frère et sœur à travers une série de portraits dramatiques auxquels le slasher ne nous avait que rarement habitué. Le casting (Annie, Laurie, le shérif Brackett) apparaît d’ailleurs aussi lacéré que le masque revêtu par le tueur.


Le Masque Déchiré


Manifestation physique du pouvoir d’altérité du Mal chez Carpenter, Michael Myers apparaît ici en piteux état, traînant ses guêtres de clodo à travers la cambrousse mais toujours emprunt de cette aura maléfique le suivant comme une ombre. À force de vouloir s’identifier à son monstre, Rob Zombie a néanmoins fini par en devenir un aux yeux des puristes (et de l’exécutif), qui ne lui pardonneront aucun de ses écarts artistiques. La vindicte populaire tient autant à ce travail de démystification qu’à son univers graphique (alternance de filtres blafards et excès baroques, 16 mm granuleux).


Halloween II est néanmoins traversé de fulgurances esthétiques et surréalistes rares pour le genre (les déambulations nocturnes de Sheri Moon Zombie en figure allégorique accompagnée d’un majestueux cheval blanc), à mettre au crédit de son metteur en scène. Formellement, le film fait état d’un pessimisme exacerbé se conjuguant parfaitement à la décrépitude ambiante, ainsi que d’une rage artistique s’exprimant à travers la brutalité de son croquemitaine. Ses compositions participent à l’atmosphère lugubre et sépulcrale (ténèbres et clairs obscurs, effet de brume, pluie battante) et tendent à faire de cette séquelle l’épisode le plus puissant de la saga aussi bien sur le plan stylistique que thématique.


La représentation d’une Amérique crapuleuse et dégénérée portée par le culte du hardrock, loin des bondieuseries de la banlieue WASP d’Haddonfield, tranche radicalement avec l’identité de la franchise. N’en déplaise aux détracteurs, cela à du sens. Rappelons que le cinéaste s’est fait le chantre des festivités païennes d’Halloween autant dans sa carrière musicale que cinématographique (La Maison des 1000 Morts). Ainsi, la récupération du mythe dans la mouvance de cette génération White Trash a énormément d’intérêt tant cette culture métal véhicule son lot de figures tourmentées, démoniaques voire morbides. Le film sera néanmoins un échec au box-office et distribué sous le manteau en France dans l’anonymat du DTV. Avec Halloween II Rob Zombie aura donc obtenu le revers de sa condition de paria, à défaut d’une rançon de gloire.


Tu veux ta dose de frissons et d’adrénaline pour Halloween ? Rends-toi sur l’Écran Barge où tu trouveras des critiques de films réellement horrifiques, situés à mi-chemin entre le fantasme et le cauchemar.

Le-Roy-du-Bis
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le 29 oct. 2024

Modifiée

le 31 oct. 2025

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Le Roy du Bis

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