(1997. FR. : Hana-Bi (Littéralement Feu d’artifice. Hana = fleur et Bi=feu.
Vu en VOST, édition DVD Arte.)

Japon, années 1990’s. Lors d’une planque, un policier est gravement blessé et un autre tué. Après avoir vidé son chargeur sur l’assassin, l’inspecteur Nishi (Takeshi Kitano) démissionne de la police. Il consacre désormais son temps à sa femme, victime d’une leucémie, qui vit ses derniers moments, ainsi qu’à son collègue handicapé et à l’épouse du défunt. Totalement coupé du monde, l’inspecteur entame alors un jeu dangereux en empruntant de l’argent aux yakuzas puis en commettant un braquage pour les rembourser…
Le cinéma de Takeshi Kitano, et Hana-Bi en particulier, est toujours difficile à classer. Tantôt drame larmoyant et sordide, tantôt comédie « pince sans rire », amère et noire, le tout teinté de polar violent et brutal. Voici comment on pourrait essayer de définir ce film culte, pour ma part, à la frontière entre le cinéma Bis et le film d’auteur. Il remporta d’ailleurs le lion d'or du festival de Venise en 1997.
Hana-Bi signifie littéralement « feu d’artifice » en japonais. Le mot Hana seul veut dire « fleur » alors que Bi = feu. Intéressant de voir à quel point un titre peut définir et retranscrire l’univers d’une œuvre, d’où par moments jaillit des feux d’artifice d’émotion et de violence. Un film où la fleur et le feu, le calme et la tempête se disputent dans un montage ô combien particulier, accumulant les ellipses, flash-back, ou encore des ralentis, coupures nettes à la fin de certaines scènes, absence de sons. Une véritable expérience visuelle…qui pourra toutefois en lasser plus d’un tant le rythme du film est loin d’être soutenu…
Une certaine lenteur doublée de dialogues parfois inexistants, les deux personnages principaux ne parlant quasiment pas. Il faudra ainsi attendre le dénouement final pour entendre enfin la voix de la femme de Kitano. Quant à son mari de flic, ses premiers mots sortiront au bout de 20 bonnes minutes…et encore il n’avait pas le choix puisqu’il s’agit d’une conversation téléphonique ! Du reste du film, pratiquement aucune phrase construite n’émergera de la bouche de notre inspecteur au bout du rouleau, ni même lors d’un braquage d’une zénitude assez déconcertante…
Un grand silence sublimé par la photographie du film, notamment dans ses décors enneigés du mont Fujiyama, et par les peintures (que Kitano réalisa après un accident de moto quelques années auparavant) du collègue handicapé. On assiste ainsi à un inventaire de différents tableaux où les fleurs sont les reines. De forts jolis passages rehaussés par la magnifique musique de Joe Hisaishi. On pourra maugréer sur le principe, un peu vain, et sur le talent, discutable, du peintre, mais je trouve ces passages splendides !
Un film à part, donc, et une œuvre à part entière sur le deuil, élément moteur du film : celui de l’enfant de Nishi et celui de sa femme à préparer ; le deuil de la vraie vie (et de sa famille qui est partie) pour son collègue handicapé ; celui du collègue assassiné et évidemment celui de Nishi lui-même, qui semble tout du long du film se rapprocher lentement mais sûrement du repos éternel, de la « prima notte di quiete » (la première nuit de tranquillité) pour reprendre Zurlini et Goethe.
Toujours déstabilisant Kitano n’hésitera pas à parsemer son long-métrage de comique de situation avec notamment la scène d’accident avec le triporteur, les séquences de la casse et le personnage du « garagiste », et des yakuzas bien faiblards ! Un peu comme dans Aniki, mon frère, le réalisateur semble prendre un malin plaisir à nous montrer ces yakuzas comme des losers sans code d’honneur, de grands gamins pas du tout préparés à tenir tête à un homme déjà mort depuis bien longtemps….
Au niveau du casting, outre un Kitano impérial, que je verrais bien dans un western !, on ne retrouve que des habitués des productions Kitano comme Kayoko Kishimoto (L'été de Kirushiro) qui joue parfaitement la femme de l'inspecteur, Ren Õsugi (Sonatine, Audition, Dead or alive) très juste en flic handicapé retrouvant le sens de la vie dans l'Art, et enfin Susumu Terajima, inoubliable dans Aniki mon frère, en yakuza très dévoué...
Enfin si l'on ajoute aux nombreuse qualités de cette œuvre d'art la somptueuse musique de Joe Hisaishi, on touche au divin ! Mélancolie classique rehaussée d'éléments 90's, les ritournelles du compositeur japonais amènent une plus-value à cet Hana-Bi si silencieux. C'est beau, c'est bon et les glandes lacrymales résistent tant bien que mal face à ce déferlement de poésie... Bravo et merci Takeshi !
La magnifique B.O. : https://www.youtube.com/playlist?list=OLAK5uy_k9C6rsxmz1RbC2ylkuJj-7umuT7XMQbS8

SB17
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le 8 mars 2021

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