Harakiri est avant tout un film sur les idoles et la tradition très importantes au Japon jusqu'à la fin de la seconde guerre mondiale et même après quand on voit l'influence que le Bush ido a eu et continue d'avoir sur le cinéma Japonais de Kurosawa à Kitano.


La démarche de Masaki Kobayashi est ici de démystifier ces mythes à la manière d'un Nietzsche japonais. Le film s'ouvre ainsi sur un des symboles les plus importants de la culture Japonaise, une armure de Samouraï dans toute sa majesté magnifiée par de lents travellings et de la fumée faisant de cet objet un artefact quasi divin. Tellement sacré qu'aucun samouraï présent dans le film n'apparaitra en armure. Le Japon du XVIIe siècle que nous propose Kobayashi n'est pas celui qui nous vient immédiatement à l'esprit quand nous pensons aux samouraïs. Le monde qu'on nous présente ici est en paix ce qui rentre en contradiction même avec la fonction primaire du samouraï. Quel rôle alors pour des guerriers dans un monde en paix, que leur reste-t-il si ce n'est l'honneur que leur apporte le respect du Bush-ido et au centre de ce code ancestral: la mort.


La mort comme sortie honorable de la vie, la mort dans l'honneur qui pour un samouraï ne peut survenir qu'au combat ou par le Seppuku (ou Harakiri) qui s'apparente à un suicide extrêmement codifié. Les samouraïs qui sont donc présentés dans ce film n'ont donc qu'une seule obsession faire vivre leur honneur en perpétuant les mythes ancestraux. Kobayashi retranscrit cette atmosphère par des plans fixes qui font de chaque scène des tableaux aidé en cela par de très belles compositions de cadre et un noir et blanc de toute beauté. Les travellings et les zooms sont très lents ce qui contribuent à donner au film une atmosphère spectrale. Le but est de faire du palais des Li, où se passe la majorité de l'histoire, un monde figé bloqué dans une époque et incapable de changer. C'est un monde pur mais sans vie, là où les samouraïs comme Tsugumo viennent mourir. La vie apparaitra seulement lors des flashbacks de l'existence du héro où apparaissent la nature, la jeunesse et la seule femme du film. Ces passages seront d'ailleurs ceux où le bush ido et les mythes passeront en second plan laissant de l'espace à la vie pour s'épanouir mais aussi à la mort de frapper brutalement dépouiller de tout élément honorable.


L'Histoire sera donc celle d'un samouraï sans maitre appelé rônin venu demander à un intendant le droit de se faire seppuku au sein de son palais. Plus l'histoire du personnage avancera plus les mythes seront remis en causes pour finalement n'apparaitre aux yeux du héro, comme du spectateur, comme des "vestiges d'une gloire passée". Le duel (magnifique) qui opposera les samouraïs se fera ainsi près d'un cimetière signe que quel que soit le vainqueur, leur monde est déjà mort. Les scènes qui verront la mort apparaitre seront alors comme des taches profondes dans la pureté du monde figé des samouraïs d'où l'importance des effusions de sang. Mais les taches se nettoient et la révolte d'un homme ne sera pas suffisante pour mettre un terme au règne de la tradition. Le Bush-ido, comme l'explique le héro, n'est plus qu'une façade et les samouraïs rentrent dans leur crépuscule, incapable d'évoluer ils finiront par disparaitre mais en attendant ils demeurent, figés dans leur palais telle cette armure ancestrale, vide, sans vie, mais toujours présente malgré la souffrance qui l'entoure.

Stravogiine
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le 23 oct. 2016

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