En 1998, la parution de cet intriguant petit livre à succès pour jeunes adolescents, "Harry Potter à l'école des Sorciers" eut sur ma petite famille un effet inattendu : pour la première (et dernière ?) fois, nous communiâmes, mes enfants et moi, dans une même passion pour une oeuvre qui resterait, au fil des années, une sorte de point de rencontre incontournable entre nous. Ce fut pour celà surtout, au delà de l'admiration que j'ai pu éprouver pour le travail de JK Rowling sur les 3 premiers tome de cette saga incontournable, que l'idée de voir Hollywood s'emparer de "Harry Potter" en 2001 avait tout pour moi du cauchemar...
Comme prévu, comme craint, la déception fut cruelle : je ne retrouvai plus rien de la brillante sorcellerie des livres dans cette adaptation professionnelle et friquée, mais terriblement appliquée, absurdement précautionneuse, confiée d'ailleurs - histoire de limiter tous les risques de "non respect de ces fans" qui constituaient la cible juteuse des financiers - à l'un des plus médiocres tâcherons de l'époque, l'atroce Chris Columbus (au patronyme bien ironique, tant chacun de ses "films" s'apparente plus à une promenade tranquille à travers la mare au canards qu'à une expédition vers l'inconnu d'océans mystérieux !).
Malgré la reconstitution soignée d'une certaine idée de l'anglicité, essentielle à "Harry Potter", en dépit du défilé millimétré d'acteurs britanniques des plus compétents - avec lesquels le casting des enfants avait quand même du mal à rivaliser -, nous avions le terrible sentiment d'assister à une banale mise en images, qui s'apparentait en fait à une mise à mort, d'un univers trop riche pour être seulement effleuré par le professionnalisme et la compétence des studios US. Et la seule raison pour laquelle je ne quittai pas la salle de cinéma à l'époque, durant ces deux très longues heures et demi, c'est bien que j'étais trop occupé par le jeu masochiste de comparer mes souvenirs enchantés de lecture avec le peu de ce qui en restait à l'écran...
En 2018, la ressortie en salle de la saga "Harry Potter" est l'occasion de familiariser ma toute dernière fille avec cet univers incontournable, et de lui donner envie de lire dès que possible les livres. Au delà de la surprenante médiocrité de la copie projetée, "Harry Potter à l'école des sorciers" bénéficie et souffre à la fois des 17 ans écoulés : il en souffre parce que les effets spéciaux qui nous avaient bluffés paraissent désormais d'une laideur remarquable, et il en bénéficie parce que le visionnage de ce machin médiocre, boursouflé et souvent d'un féroce mauvais goût, est désormais coloré des teintes pastel de la nostalgie. Nous nous sommes tant aimés, Harry et nous, que quelque chose de nous est resté enfermé dans les couloirs de Hogwarts.
S'il y a pour finir une leçon à tirer pour d'éventuels futurs adaptateurs d'une telle oeuvre, c'est bien l'erreur de sacrifier la partie la plus exceptionnelle de la saga, cet inégalable roman d'apprentissage nourri de notre indéfectible amour pour l'école, pour se concentrer sur les très maladroites tentatives de Rowling de construire une fiction typique de l'heroic fantasy la plus ordinaire. La dernière partie du film, qui accumule rebondissements absurdes et comportements aberrants des personnages, reste, malgré toute notre bienveillance actuelle, à proprement parler irregardable...
A suivre...
[Critique écrite en 2018 intégrant mes notes de 2001]