Particulièrement attaché à la saga originelle (du moins jusqu'au 3è volet), j'étais intrigué et intéressé par la perspective d'un reboot avec des moyens et rendus contemporains.


Et il faut reconnaître qu'il y a bien quelques trucs qui en valent le visionnage: en particulier, il m'a semblé que faire des cénobites l'incarnation de l'addiction, ou bien d'un trait de personnalité dont on souffre, constituait une manière de dépasser le concept d'origine sans le trahir. Visuellement, j'ai été surpris par le rendu de la boîte, devenu plus minéral, comme si le passage du temps l'avait fossilisée (oui, j'adore me faire mon propre cinoche). J'ai bien aimé aussi le charadesign du méchant, original et dans l'esprit en même temps. J'ai aussi trouvé sympa l'idée des différentes configurations possibles de celle-ci, comme autant de diverses formes ou manières de s'infliger une souffrance potentiellement recherchée, qu'elle soit physique, mentale, symbolique... Enfin, la scène finale m'a semblé sympa, pas tant par le gore extrêmement timide, mais par la représentation de la dégradation physique et de l'extase masochiste qui en découlent.


Malgré toutes ces bonnes idées (qui ne suffisent point à faire un bon film), il y a plein d'autres défauts. Premièrement, formellement: c'est quoi, ces cénobites-gothopouffes à LEDs? Ça dégueule de CGI qui sont déjà (2024) démodés. On en voit trop, bien trop. Plus de potentiel de terreur, et encore moins de dégoût fasciné. Juste de la gloumoute lambda. Idem, c'est quoi, cette idée de n'en faire rien de plus que des démons que la boite sert à invoquer? Du coup, ils en deviennent de simples méchants sans même une once de nuance, servant un dieu maléfique avide d'offrandes avec lequel tout est toujours une transaction. Scandaleuse, car totalement à contre-pied de l'esprit de l’œuvre d'origine, cette malversation a deux corollaires: le premier, c'est que ce Hellraiser cuvée 2020 n'est plus qu'un banal slasher, le second, c'est qu'il emporte un message moralisateur. En effet, en faisant des cénobites à la fois l'incarnation de l'addiction (autant de l'héroïne que en général) voire de tout comportement "déviant" (au hasard, l'homosexualité) et du mal, le film nous dit que les déviances, c'est mal. Soit, l'exact opposé de la contemplation fascinée de ladite déviance par Barker, initialement.


A l'inverse, dans ce reboot (où on a droit à la junkie qui essaie d'arrêter), la ronde menaçante des cénobites - quand une cage de Faraday occulte ne le tient pas à distance - devient la matérialisation de la tentation de replonger, de picoler, sniffer, ou de mettre son titi dans le tutu d'un garçon. Et le jeu avec la boîte, initialement conçue comme un labyrinthe de poche dont la résolution représentait le cheminement mental jusqu'à l'acceptation de soi, devient un comportement ordalique, jouer avec le feu en s'exposant à l'objet de l'impure tentation.


On était en droit d'attendre un renouvellement du mythe, du sang (par litres) neuf, mais Hellraiser aura finalement subi les mêmes outrages que Candyman ou Evil Dead: en ne conservant que les aspects les plus iconiques de la franchise d'origine, mais en l'expurgeant de son fond tragique et amoral, et de manière plus étendue, politique pour le rendre plus facilement commercialisable. On n'a plus là qu'un produit auto-référentiel paresseux, bénin et ectoplasmique. Mais ça passe le temps easy, c'est toujours mieux qu'un téléfilm du mardi aprème sur M6!

Cafe-Clope
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le 19 févr. 2024

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