Henry : Portrait d'un serial killer par Wykydtron IV

Ce film, qui semblait avoir une approche très réaliste et crue des serial killers, ne m'aurait pas tenté si je n'avais pas lu au fil des années diverses évocations qui semblaient indiquer que c'est une oeuvre culte.
James Gunn en parle, Kevin Smith en parle, ... essentiellement parce qu'ils ont bossé avec Michael Rooker depuis "Henry", mais j'ai toujours lu du bien sur ce film. Je vois maintenant que même Siskel et Ebert, ces deux critiques qui crachent sur tout ce qui est trop déviant ou trop obscène à leur goût, ont aimé...

J'ai connu Henry il y a environ 6 ans de cela, en même temps que je découvrais ce super site qu'est Devildead, je le sais car c'est une des premières reviews que j'ai lue (ou survolée) là-bas.
C'est sûrement pour ça que j'ai des souvenirs aussi nets de ce qu'ils disaient sur le film. Me souviens de l'évocation de ce défaut sur l'image du DVD français à un moment, ce carré disgracieux qui apparaît en bord de cadre.
Me souviens que cette review, et peut-être d'autres lectures depuis, m'avaient fait penser qu' "Henry portrait d'un serial killer" était basé sur l'histoire d'un de ces tueurs en série connus. C’est pour ça que je trouvais étrange que Devildead critique ce hasard dans l’histoire qui veut qu’Henry se trouve un autre tueur pour l’accompagner dans ses activités spéciales. En réalité le film prend quelques libertés, et adjoint à Henry deux personnages fictifs que sont Otis, le colocataire d’Henry, et Becky, la sœur d’Otis.
[EDIT : ah bah IMDb dément ce que nous indique le texte en début de film : http://www.imdb.com/title/tt0099763/trivia ]
Henry et Otis se sont connus en prison, dont ça me paraît quand même un peu moins improbable qu’ils se découvrent une passion commune pour le meurtre. De plus, contrairement à ce que j’avais imaginé, Otis n’est pas pour au début, mais une progression s’effectue chez lui, après qu’il ait fait face à la violence du monde. Crédible, pour moi.
En fait au cours du film, tout le monde finit contaminé par le meurtre, c’est accepté par chaque personnage d’une façon ou d’une autre, et pour de bonnes raisons.
Non, ce qui va pas, c’est juste cette scène où le duo filme deux SDF en train d’en tabasser un troisième à mort, là c’est n’importe quoi. Me suis caché bien des fois dans les buissons d’un parc, et j’ai jamais vu des clochards s’entretuer. Mais j’ai vu bien d’autres choses… (non je déconne).

Le traitement de la violence dans ce film est pour le moins intéressant.
"Henry portrait d’un serial killer" s’ouvre par un plan choc. On découvre une femme que l’on croit endormie dans l’herbe, qui s’avère être morte, dénudée. On mêle vision plaisante et macabre.
C’est suivi par une scène où un personnage, que l’on ne sait pas encore être Henry, fait preuve d’une gentillesse toute anodine. Ca m’a rappelé une citation du tueur Edmund Kemper (que ce gros naze de Patrick Bateman dans American psycho attribue à la mauvaise personne) : "One side of me says, I'd like to talk to her, date her. The other side of me says, I wonder what her head would look like on a stick?".
Le début du film alterne justement entre horreur et banalité. A un moment, Henry embarque une autostoppeuse, sans qu’on ne sache ce qui lui est arrivé par la suite : on ne peut savoir, en la voyant monter en voiture, à quelle facette d’Henry elle va avoir affaire.
Un plan m’a marqué parmi les premières séquences, d’ailleurs il est tellement mémorable qu’on le trouve facilement sur internet et qu’il est devenu le menu du DVD français. Un plan avec un cadavre de femme sur des WC, une image glauque, mais en même temps la mise en scène du corps a quelque chose d’esthétique. Une esthétique dépravée hein.
Mais plus généralement, en début du film, on a une récurrence de plans qui, lorsqu’ils commencent, laissent croire à une scène ordinaire, jusqu’à ce qu’on découvre que la personne que l’on voit est morte.
Ca indique probablement une séparation floue entre vie et mort, annonce ce thème de distanciation par rapport au meurtre qui est développé plus tard, avec l’idée de passer par un écran de TV pour voir les crimes d’Otis et Henry, une fois qu’ils se sont emparés d’une caméra amateure pour leurs home movies. En plus de cela, le meurtre qu’ils ont commis et que l’on voit sur l’écran fait écho à cette scène de danse, un moment de vie heureux, et les deux sont ainsi mis au même niveau.

Les personnages ont tous des vies à aller poster des articles sur VDM, et c’est pas bien crédible la façon dont ils se dévoilent si vite l’un à l’autre. Becky ne doit pas connaître Henry depuis plus de quelques jours qu’elle se met déjà à tout déballer sur son père qui venait la voir la nuit dans sa chambre, pour checker si elle était bien "développé", au début de son adolescence.
Enfin bon, les relations entre les personnages servent surtout à amener des situations intéressantes. Est-ce que quelqu’un comme Henry arriverait à trouver l’affection d’une femme ? Je ne sais pas, mais ce qui résulte de son association avec Becky est ce qui importe.
L’arrivée de la femme, Becky, dans le milieu d’Otis et d’Henry amène de la tension.
Ce qu’essaye de faire Otis à un moment est inattendu pour le spectateur, et on s’attend encore moins à cette réaction si rapide et limite violente de la part d’Henry.
Tout d’un coup, on a un grand sentiment de danger venant des deux mâles et qui n’était pas présent jusque là dans le film ; c’est très efficace.

"Henry portrait d’un serial killer" est le premier long-métrage de fiction de John McNaughton.
Le seul défaut dans la réalisation que j’ai pu trouver, c’est lors d’une scène en cuisine, où la spatialisation est bizarre (Becky qu’on voit passer à l’arrière-plan quand on est sur Otis, et qu’on retrouve dans la direction opposée au plan suivant).
Le petit budget se ressent un peu, entre autres dans le découpage qui comporte peu de plans, mais au final c’est suffisant. Un des réflexes d’un jeune réalisateur, c’est de vouloir trop découper.
Et dans ce film-ci on a la preuve qu’il n’y a pas besoin d’une multitude de plans pour avoir de bonnes idées dans le découpage.
Lors d’une scène de dîner, en une prise, on arrive à un plan englobant les 3 personnages à table en partant d’un gros plan sur les cadavres des poissons qui viennent d’être mangés.
Lors d’une discussion intense entre Becky et Henry, on ne découvre qu’à la fin, quand ils sont interrompus, qu’ils se sont retrouvés à se tenir la main.

"Henry, portrait d’un serial killer": un film plutôt intelligent, avec pas mal d’idées intéressantes.
Et un vrai film malsain, me suis-je dit aussi, surtout une fois arrivé au final.
Le film fait 1h20, et malgré cet aspect à demi amateur qui a tendance à rebuter parfois, je ne me suis pas ennuyé devant "Henry", alors même qu’en ce moment j’ai plus de mal à me faire voir un film.

PS : la réplique à retenir : "when the pope pees in his hat" ; répartie superbe au cas où quelqu’un vous fait chier.

Et faut voir le trivia sur IMDb, un des plus passionnants que j'ai pu lire sur ce site :
http://www.imdb.com/title/tt0099763/trivia
Et dans la FAQ, plus d'infos fascinantes sur le film :
http://www.imdb.com/title/tt0099763/faq#.2.1.6
http://www.imdb.com/title/tt0099763/faq#.2.1.7
Fry3000
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le 16 oct. 2012

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Wykydtron IV

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