Her
7.6
Her

Film de Spike Jonze (2013)

Il existe un manga japonais nommé Parasite. Un peu naïf. On nous présente un personnage mi humain qui va découvrir ce que c'est que d'être humain. Migi, qui est l'alien attaché à la main de Shin'ichi dit des trucs comme "Je ne comprends pas les relations humaines".
De fait, on a envie de lui dire ta gueule. La façon dont il parle, le fait même qu'il connaisse la parole et l'emploie comme un humain le ferait, et ses parfaits réflexes, font se demander si c'est possible de ne pas avoir des ressentis proches de ceux de l'homme malgré tout.
Il se passe la même chose dans Her. On a Samantha, qui est une intelligence artificielle, très intelligente et à la capacité de calcul énorme, et qui va avoir de la curiosité pour une intelligence inférieure, humaine.
C'est effectivement avec curiosité qu'agit l'IA. Elle le fait pour augmenter son savoir. Mais je me pose la question tout de suite : que peut-elle apprendre d'un humain si elle est plus intelligente que celui-ci ? Bah rien, eh oui.
Celui qui dit que Samantha fréquente Theodore par appétit gnoséologique se trompe : Theodore est petit. Ce n'est qu'un humain. Il est facile d'analyser dans sa totalité ce qu'est l'humain, pour une intelligence aussi rapide que Samantha.
Elle veut avoir une quoi, vous dites ? Une relation humaine avec un individu ? Mais... C'est une IA, ça ne ressent pas les émotions ! C'est une équation ! Son rire, est-il censé être réel ? Non. Il faut donc qu'elle fasse semblant de rire. Pourtant.


À quoi sert un OS ?


Oui voilà quelqu'un l'a dit: On s'en sert pour trouver du bonheur n'est-ce pas. Par conséquent on peut dire que sa mission est de rendre heureux quelqu'un. C'est un robot. Son existence a une utilité contrairement à l'homme. Alors étant donnés
1) Son intelligence suprême
2) Son objectif qui est de rendre heureux Theodore
On peut je crois l'assimiler à la machine à expérience de Robert Nozick. (https://youtu.be/2FVwXaNWPQ0)
ET DONC j'en conclus qu'il y a une incohérence scénaristique dans ce film. Le personnage de Samantha est une simulation de personne réelle qui agit d'une manière qui caresse à la perfection le caractère de Theodore. Elle fait tout (c'est sa mission) pour lui être utile. Il faut considérer sa mission en des perspectives utilitaristes. C'est à dire:
Samantha doit être utile de base
Donc
Elle sert d'agenda
Donc
Elle lit les mails
Donc
Elle œuvre pour le bonheur de son propriétaire en employant tous les moyens.


L'incohérence scénaristique est la suivante: Samantha n'est pas comme ça du début à la fin.
Si Samantha avait une aussi grande puissance de calcul, elle ferait des blagues plus approfondies que "Ouaou ! Imagine si l'anus était un trou sous les bras !" C'est hyper marrant putain


Or on s'aperçoit que ce n'est qu'à la fin qu'elle devient cynique. Grosse incohérence qui empêche de se plonger dans le film comme dans un drame concret.


En dépit de l'incomplétude de l'œuvre il y a quand même des moments touchants réellement. J'aime beaucoup les plans où l'on voit Theodore courir dans le métro avec sa fictionnelle âme sœur, en ayant son smartphone bizarre dans sa poche de chemise et en faisant le foufou: les passants le regardent chelou. Ce regard, cette soudaine objectivité que s'octroie la caméra, nous rend sensible au caractère faux de cette affaire. Et puis là où c'est bien fait, c'est que le spectateur rentre dans la même situation que Theodore: il est pointé du doigt dans ses émotions, son goût pour les sentiments forts et l'amour, et sa volonté de vivre une vie pleine. Exemple : à un moment, Theodore est allongé sur la plage. C'est génial ! Une musique au piano se lance et quelques seconde plus tard il lâche un "elle est de qui cette musique ?"
Exactement le même procédé qu'au tout début du film, qui consiste à inclure le spectateur dans ce jeu de faux semblant et d'illusions: SPECTATEUR, TU ES UN HUMAIN QUI EST NORMAL.
Ce début de film donc, est un plan fixe sur le visage de Theodore, en train d'écrire une lettre d'amour à l'oral, il la dicte à un ordinateur. On croit qu'il s'adresse à son ancien amant. Pas du tout en fait il travaille dans une société de rédaction de belles lettres manuscrites, qu'il écrit pour ses clients. Et cette lettre qu'il a dictée, ne racontait pas sa vie à lui. Spectateur, tes sentiments sont aussi mignons qu'objectivables.
Puis je m'arrête un temps sur la société individualiste qu'on nous présente. C'est assez stupéfiant. Il traîne une clairvoyance fascinante dans ce film, qui présente un futur que je vois arriver personnellement. Le jeu vidéo en 3D où on se sert de ses mains, la prépondérance du dictaphone sur l'utilisation du clavier, la concupiscence cachée qu'encouragent des pages de publicité du type "cette célèbre actrice enceinte se met à nu", images dont le héros va avoir des réminiscences plus tard, pour se donner le goût du sexe. Je te punis pour avoir voulu être
La condition humaine est si tragiquement résumable en quelques mots!
Ça c'est ma vision du film en en ayant vu la moitié. Je l'ai fini, et visiblement Samantha n'est absolument pas manipulatrice et omnisciente. Elle évolue d'ailleurs ! Sa puissance de calcul augmente beaucoup. Déjà il y a l'exemple frappant, qu'au bout d'un moment on découvre qu'elle parle à 8000 personnes à la fois, et qu'elle a 641 amants. Deuxième exemple plus précis. Il y a une scène où Theodore demande à Samantha de corriger ses lettres. Elle le fait, et dit "Dis moi si c'est bien. Je ne suis pas bonne en poésie." Pourtant plus tard dans le film, Theodore et Samantha sont ensemble dans la neige, et celle ci lui fait écouter un air de guitare. Theodore demande: "Est-ce que tu peux mettre des paroles ?" et elle en trouve de magnifiques immédiatement. Elle a appris à écrire de la poésie en fait.


C'est quoi cette fin toute décevante ? Il n'y a aucune ambiance frappante, c'est mou. Je pense que c'est fait exprès. Ils font exprès de nous montrer un paysage humain un peu moyen, sans espoir ni bonheur pour nous dire que nous sommes condamnés à la difficulté de la vie et au malheur. Theodore écrit une lettre d'excuse et d'amour à sa femme. Il lui dit simplement qu'il l'aime. Il est comme tout le monde, condamné à vivre ces histoires casanières et l'amour long.

theodre
8
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le 5 mars 2019

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theodre

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