Beau. C'est ce que l'on retiendra de Her : http://youtu.be/qkW2GmFOSOE
Le long-métrage de Spike Jonze fait preuve d'un travail remarquable, dans sa réalisation, sa distribution, son traitement, son jeu de lumières, sa bande-son... Mais ça, vous le saviez sûrement déjà au vu des nombreuses critiques qu'on peut lire ici et là. J'étais assez hésitant quant à écrire une critique sur Her, c'était un film qui m'avait beaucoup touché certes, mais sans pour autant m'emporter dans une frénésie prolixe comme d'autres auraient pu le faire.
« The past is just a story we tell ourselves. »
En réalité, Her m'avait ouvert les yeux sur des choses plus abstraites, moins faciles à cerner...
Ce soir-là, je rentrais chez moi l'esprit léger. Cette séance m'avait détendu, mis dans un état dont seuls les très bons films sont capables, les très nombreuses personnes qui restèrent assises pendant les 6/7 minutes de générique - dont moi - seront probablement d'accord : Her est un film magnifique sur tous les plans.
Trois plans notamment : son espace, sa couleur et ses sons.
« She's not just a computer. »
Her est un film spatial, cosmique. Sans m'étendre dans un déballage de cette belle histoire, on y trouvera des éléments de réflexion extrêmement intéressants.
2025, le juste milieu entre la société que nous connaissons et le rêve d'une société hyperconnectée. À mon sens le moment parfait pour qu'une histoire comme celle-ci se développe dans un cadre qui aura su me séduire dès les premiers instants. L'aspect asiatique de cette ville américaine moderne sera probablement reconnu par les amateurs de Lost In Translation (Scarlett Johansson y joue aux côtés de Bill Murray dans un Tokyo aérien), on remarquera le doux mélange urbain des parcs asiatiques (quelques plans ont été tournés à Shanghai) et des immeubles californiens. Ce décor hybride laisse ainsi place à une interprétation à laquelle chaque spectateur s'adonnera.
La relation entre Theodore Twombly et Samantha est fascinante. Le film prend plaisir à jongler entre deux sphères, un homme confronté à une réalité face à l'incroyable entité qu'est Samantha. Cette douce voix nous berce tout le long du film, nous enivre de la même façon qu'elle charme Theodore. Les deux personnages ont cette évolution en commun : l'un écrit des lettres pour des personnes qu'il n'a jamais rencontrées et l'autre se génère une personnalité au fur et à mesure qu'elle crée des affinités avec le moustachu.
Cette relation est admirable parce qu'elle n'est pas celle de deux humains. À partir de là, on sait que Theodore sera tôt ou tard confronté à une contradiction. Spike Jonze a réussi à traduire une émotion et un sentiment universels, la petitesse de l'homme face à l'infini. Samantha est cet infini, cet éternel.
Le film atteint un paroxysme de subjectivité dans la mesure où il pousse chaque spectateur à se référer à des expériences personnelles qui le mèneront à s'identifier à cette histoire métaphysique. Mais tout cela ne suffit pas à faire de Her un film aussi beau, car même si Her excelle dans l'art de faire douter son spectateur, il triomphe pour lui en mettre plein la vue.
« It's how we spend a third of our lives asleep, and maybe that's the time when we feel the most free. »
Her est un film coloré, éclatant de plans aux détails plus séduisants les uns que les autres. Aux innovations technologiques contemporaines de l'époque - l'OS, les jeux vidéos immersifs, les ordinateurs aux contrôles exclusivement vocaux ou gestuels - on aime associer des éléments rustiques mais tout aussi charmants et coïncidents - une boîte aux lettres, un pantalon de golf, une lettre manuscrite. C'est dans un univers coloré que tous ces éléments nous apparaissent.
Cette affiche rose profile la photographie du film. Theodore est un individu parmi tant d'autres dans une société bouillonnante et futuriste, il est celui qui, comme d'autres, aime se perdre dans ses pensées en écoutant sa musique. Se distinguant seulement par ses quelques chemises colorées, le protagoniste s'associe parfaitement à cette routine morose, parfois mélancolique, d'un cadre urbain moderne mais impersonnel. Il aime se poser pour deviner le passé des gens, l'histoire qu'ils partageraient si seulement quelqu'un prenait le temps de faire plus ample connaissance avec eux. Ces couleurs créent le tableau parfait pour la poésie qui se dégage d'une histoire comme celle de Theodore.
« Where are you going?
- It's hard to explain, but if you get there, come find me. Nothing will be able to tear us apart then. »
Her est un film sonore, musical. On retiendra bien sûr la voix de Samantha, mais également ces nombreuses conversations téléphoniques. L'absence corporelle de Samantha est comblée par les longues discussions, le rapport perpétuel d'un personnage incarné à celui d'une intelligence dont seule la voix permet d'exister. La bande originale, largement composée par Arcade Fire apporte une ambiance que j'aurais difficilement imaginé autrement. Les compositions raffinées telles que Song On The Beach (http://youtu.be/da-ELYFRFpc) cohabitent parfaitement avec des morceaux plus simples comme The Moon Song (http://youtu.be/pIBaV6oxZwc).
Toute la singularité de ce film se retrouve dans sa composition sonore : des pas dans la neige du héros du jeu vidéo auquel Theodore joue en passant par le son d'erreur insupportable de son téléphone jusqu'à cette bande-son vraiment admirable.
Allez le voir, et par pitié ne blasphémez pas la voix de Scarlett Johansonn par une VF.