Her
7.6
Her

Film de Spike Jonze (2013)

La dernière réalisation de Spike Jonze («Dans la peau de John Malkovich», «Adaptation», «Max et les maximonstres») se présente indéniablement comme l'une des œuvres les plus originales de cette année 2014.
Également à l'origine du scénario (pour lequel il obtint l'Oscar début mars), Jonze nous plonge, avec ce film d'anticipation romantique et touchant, dans une société qui, au-delà des apparences, est loin de nous être aussi étrangère et éloignée qu'on le pense. Le développement de l'intelligence artificielle au service de l'Homme, entraînant par conséquent une détérioration évidente des rapports humains et un repli sur lui-même, s'avère finalement être un portrait-miroir judicieux (et parfois inquiétant) du chemin que devrait sans doute emprunter notre société actuelle dans les prochaines années, avec sa volonté de vouloir toujours aller plus loin dans la recherche de nouvelles technologies, et de mettre finalement l'Homme au service d'une technologie, alors qu'il s'agit officiellement de faire croire au contraire.
Et au centre de toutes ces réflexions, de cet univers à visage déshumanisé, finit par se produire quelque chose d'(in)attendu : un homme tombe amoureux de son propre OS (Système d'exploitation. Une sorte de SIRI améliorée en quelque sorte.).
Et voilà la raison principale pourquoi ce film nous touchera les uns comme les autres : la rencontre de ces deux "âmes" solitaires (d'un côté, Theodore, un écrivain-poète en pleine instance de divorce avec sa femme et s'étant peu à peu replié sur lui-même et éloigné de tout rapport émotionnel et amoureux avec la gente féminine. De l'autre, Samantha, une intelligence artificielle créée sur mesure pour Theodore et se chargeant de gérer ses affaires virtuelles pour simplifier au mieux son quotidien), qui vont peu à peu se rapprocher, se nourrir et apprendre l'un de l'autre.
Samantha va découvrir la définition de l'amour (une émotion profondément humaine et étrangère pour un ordinateur), en se donnant "corps" et âme pour cet homme pour lequel elle a été programmée et qui, au contact de cet homme, va changer de visage et devenir le reflet de ce dernier, cet autre que Theodore attendait depuis si longtemps et qui comblera ce vide affectif. Theodore, quant à lui, va redécouvrir ce que c'est que d'être amoureux, de ressentir de la joie, de la jalousie, de la tristesse, bref de se sentir plus vivant que jamais, et cela au contact d'une machine à visage humain.
Joaquin Phoenix, impeccable comme à son habitude, nous livre une partition sans fautes en campant un personnage profondément humain à travers ses faiblesses, cette solitude qui le pèse et cette quête d'un autre idéal. À travers les simples expressions de son visage, l'acteur nous offre une impressionnante palette d'émotions, qui caractérise parfaitement les cassures intérieures de son personnage. Quand à Scarlett Johansson, davantage reconnue ces derniers temps pour sa plastique que pour son jeu d'actrice, elle fait taire les mauvaises langues en disparaissant physiquement de l'écran et, par le simple timbre de sa voix, arrive à nous faire vibrer et à procurer à cette machine qu'elle incarne une profonde humanité dont nous ne nous serions pas doutés.
La fin, superbe conclusion toute en poésie et cohérente dans l'évolution de la relation entre Theodore et Samantha, nous amène à nous questionner une nouvelle fois : la machine, produit issu de l'esprit de l'Homme, peut-elle elle aussi éprouver quelque chose ? La conception d'une émotion tel que l'amour pourrait-elle être identique pour l'un comme pour l'autre ? La machine est-elle finalement bien plus que le simple reflet de l'homme pour lequel elle est programmée ? Où s'arrête la programmation et où commence la véritable indépendance de la machine ?
Mise en scène inspirée et inventive, direction d'acteurs exemplaire et scénario jonglant habilement entre tendresse et mélancolie, entre réflexion et émotion, «Her» est un film qui nous touche intelligemment, et qui nous fait réfléchir de la manière la plus humaine, la plus simple et finalement la plus universelle qui soit : à travers une histoire d'amour atypique, étrange et pourtant passionnante de bout en bout.

Raphoucinévore
9
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le 25 juil. 2015

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Raphoucinévore

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