Héritage par pierrick_D_

Dans un village arabe situé en territoire israélien,une famille s'apprête à célébrer un mariage.Hajar,jolie étudiante originaire du bled,y revient pour assister à la noce.Mais elle va casser l'ambiance en dévoilant sa relation amoureuse avec un anglais,ce qui est totalement contraire à la tradition et aux plans de ses proches.Car cette famille est dominée par les hommes,qui y font régner la loi d'un Islam archaïque définissant la femme comme un être inférieur et soumis.Et nous ne sommes pas chez des paysans arriérés ou des imams vivant au fond d'une grotte,mais dans un clan aisé et cultivé.Il y a le père,riche retraité,et ses trois fils.L'un est entrepreneur,le second avocat et politicien,le troisième est médecin.Au fil de l'histoire,l'hypocrisie de ces personnages va nous être révélée.Car au-delà de leurs grands principes,ces mecs s'affranchissent volontiers des règles coraniques quand ça les arrange,seules les femmes devant s'y conformer totalement.Le père cache sa maladie cardiaque,le businessman est au bord de la faillite et sa plus jeune fille a des velléités d'émancipation,l'avocat,pour faciliter son élection,pactise avec un influent propriétaire juif dont il baise la femme,tout en brutalisant son épouse,le médecin est stérile et s'est marié avec une chrétienne contrainte de suivre un traitement pour la fécondité inutile.Pendant ce temps,les chasseurs israéliens survolent la zone et larguent parfois une bombe.Le féminisme est à la mode,le conflit israélo-palestinien est à la mode,les acteurs-réalisateurs sont à la mode.Il n'est donc pas surprenant de voir la comédienne palestinienne Hiam Abbas passer derrière la caméra.Dans ce premier long-métrage,qu'elle a coécrit avec plusieurs scénaristes,elle dresse un état des lieux oscillant entre amertume et espoir d'une société palestinienne à l'intérieur de laquelle se heurtent tradition et modernité.Les hommes tentent vaille que vaille de maintenir leur autorité et leur position supérieure,aidés en cela par leurs épouses convaincues du bien-fondé de cette situation ou simplement résignées à la subir.Mais ce pouvoir vacille car les mâles s'affaiblissent.Humiliés par l'occupation israélienne,minés par la crise économique engendrée par la guerre,ils ont du mal à contenir une jeunesse occidentalisée et avide de liberté.Les filles principalement,qui sont les plus pénalisées par ce système,rêvent d'ailleurs et d'autonomie,et cherchent à quitter leur pays.Mais la nouvelle génération de garçons parait également prête à rompre bientôt avec le vieux monde arabo-musulman,comme en témoignent le personnage du cousin anglophile ou tous ces enfants déjà accros aux jeux vidéo.Hajar,rejetée,insultée,frappée,apparait ici comme le symbole de cette révolte.Mais les mentalités évoluent lentement,les coutumes ont la vie dure,et elle-même est gagnée par le doute.Elle aime et respecte sa famille,et finit par se demander si elle ne devrait pas finalement lui obéir et rentrer dans le rang.Cette réflexion est intéressante à l'heure où,dans nos démocraties occidentales,certains soutiennent l'Islam radical ou font au moins preuve à son égard d'une coupable complaisance."Héritage" est donc un film utile car pédagogique,mais peu abouti cinématographiquement.Les scènes,passant d'un personnage à l'autre,en arrivent vite à se répéter et à tourner en boucle.On a ainsi l'impression que l'histoire fait du surplace,d'autant que ni les situations ni les protagonistes n'évoluent,chacun se retrouvant à la fin au même point qu'au départ.D'autre part,l'argumentaire est limité.Ce serait bien que les combats entre Israël et les groupes armés palestiniens cessent,et il est souhaitable que la femme soit considérée à l'égal de l'homme dans les sociétés musulmanes,toute personne sensée en conviendra.Mais peut-être le film n'est-il pas particulièrement destiné à un public occidental?Les acteurs sont tous excellents,à commencer par Hafsia Herzi,lumineuse et magnifique dans le rôle principal.Hiam Abbass,encore très belle,s'est attribué un personnage ingrat d'épouse rétrograde qu'elle incarne brillamment.