Un peu d'Amérique (Jason Clarke, Jack Reynor), de Grande Bretagne (Rosamund Pike, Jack O'Connell), et de France (Cédric Jimenez + invité surprise) pour nous raconter l'histoire du parti Nazi et du bras droit d'Himmler, Reinhard Heydrich, confrontés à la résistance tchécoslovaque durant la seconde guerre mondiale.


En 6 mots : cocktail réussi mais pas vraiment bouleversant.


L'univers est ordinaire s'il on peut dire, en tous cas fréquemment traité dans le 7ème art, et c'est à ce niveau que certains pourront exprimer de la déception. Non pas que le fait que des oeuvres existent déjà empêche quelque réalisateur que ce soit d'en proposer une nouvelle, mais cela peut provoquer un sentiment de déjà vu.


Quand certains utilisent le point de vue pour se différencier, comme David Ayer avec "Fury", ou encore le ton général du film comme Tarantino avec Inglourious Basterds, "HHhH" (pour "Himmlers Hirn heißt Heydrich" ou littéralement "le cerveau d'Himmler s'appelle Heydrich" en français) n'apporte pas réellement sa pierre à l'édifice. Le film semble se contenter de raconter la vie du chef de la gestapo et le combat de la Résistance pour affaiblir autant que possible le parti Nazi, dans une oeuvre qui reste un peu trop factuelle.


En même temps, on ne peut pas vraiment en tenir rigueur à Cédric Jimenez qui propose une adaptation du livre du même nom de Laurent Binet. En ce sens le travail est honnête. Et même un peu plus qu'honnête grâce à sa réalisation osée. N'ayant pas lu le livre, je ne suis pas en mesure de savoir s'il a suivi la hiérarchie des chapitres mais l'originalité tient dans la narration de l'histoire en trois parties : l'ascension de Heydrich, la mise en place de l'opération de la Résistance et la traque par les nazis de ces mêmes résistants.


Toutes ces parties sont liées par une scène, la scène de l'attaque, qui est aussi la scène d'ouverture du film. Le choix n'est pas anodin mais au contraire très judicieux, il permet au spectateur de bien se situer dans le film en lui soumettant, dès le début, un repère chronologique.


Du fait de la construction en trois parties, on prend le temps de connaitre et comprendre les personnages. Cependant à titre personnel, j'ai trouvé la 1ère partie sur le personnage d'Heydrich beaucoup mieux développée que celle sur les membres de la Résistance.


En effet, on montre un homme dont les opportunités ont influencé le destin, notamment grâce à sa femme Lina. Ce qu'on ne nous montre pas en revanche, c'est un homme dépourvu de sentiments. L'auteur ne cherche pas à faire passer à tout prix l'homme pour un monstre sans coeur, comme on voit régulièrement au cinéma. À un moment du film, on a même peur de tomber dans le cliché du père impitoyable qui rabaisse son fils à la première fausse note au piano. Au contraire on voit un homme "attentionné", qui comme tout homme, n'a pas toujours été ce qu'il est, mais qui l'est devenu à cause de sa soif de pouvoir.


D'ailleurs vers la fin du film, on voit un homme complètement changé, endoctriné tel un robot dont les derniers mots sont à la gloire de son chancelier plutôt qu'à sa famille.


Dans cette 1ère partie, on mettra au crédit du film un petit rappel d'histoire sur la montée en puissance du régime nazi. En effet, les films traitant de ce thème commencent bien souvent entre 39 et 45. "HHhH", même si le passage est bref, permet de prendre conscience de la situation de l'Allemagne avant qu'Hitler soit au pouvoir, situation qui l'a conduite à se tourner naïvement vers "l'homme qui va sauver notre pays".


C'est dans la 2ème partie que je pointerai du doigt une petite lacune sur le développement des personnages. En effet, Cédric Jimenez ne nous donne malheureusement pas l'opportunité de connaitre intimement les deux principaux résistants incarnés par le duo de Jack. Il aurait été intéressant pour nous spectateurs de découvrir les motivations qui les ont poussé à intégrer la Résistance. Le lien fraternel entre les deux hommes est aussi trop peu développé de mon point de vue, on le devine mais on ne le ressent pas suffisamment, ce qui limite notre implication émotionnelle.


Enfin dans la 3ème et dernière partie, ce sont des scènes d'action qui prédominent, mais pas uniquement. L'histoire montre assez bien les conséquences des actes de la Résistance, positives mais aussi négatives, et l'influence qu'elles auront, aidée par la pression des nazis, sur le choix d'un homme (#balance).
On soulignera à la toute fin du film le petit clin d'oeil qui nous est fait à nous français, en nous révélant que la prochaine affectation de Heydrich était à Paris. Cette information a le mérite de nous faire prendre conscience de comment Jan et Joseph, aidés par bien d'autres résistants, ont changé le destin de notre capitale au prix de leur vie.


Au niveau du jeu d'acteur, Jason Clarke est impressionnant dans son rôle. Grand blond aux yeux bleus et à la mâchoire carré, il avait tout pour incarner à la perfection le Boucher de Prague, et c'est parfaitement réussi. La dualité du personnage entre père de famille et bourreau nazi est maitrisée. J'irai même jusqu'à dire qu'il n'a pas été moins convainquant qu'un Christoph Waltz ou un Richard Sammel, maitres dans l'art.
Je m'étalerai moins sur le reste des personnages, qui font également admirablement le travail. Rosamund Pike, dont le talent dépasse largement le défi qui lui était proposé, est crédible, de même que Jack O'Connell et Jack Reynor.


Pour résumer, ce biopic avait vocation à nous faire prendre conscience de l'horreur de l'époque, à nous émouvoir du courage de nombreux hommes et femmes, et en ce sens, le paris est réussi.
À mon goût le film manque d'ambition, surtout avec une telle distribution, mais respecte rigoureusement ce qu'il propose.

Marshall-Daniels
6

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le 8 juin 2017

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