Un film malsain à ne pas mettre entre toutes les mains...

Adaptation d'un livre que je n'ai pas lu, High-rise est un film de Ben Wheatley qui ne laisse personne indifférent. Dès le début, le ton est donné : on voit Tom Hiddelston faire rôtir un chien sur son balcon en parlant de lui à la troisième personne. Il est dans un immeuble insalubre, habillé en haillons, mal rasé. Son voisin est à peu près dans le même état, et lui propose de boire un café en compagnie d'un cadavre à la tête encastrée dans un poste de télévision. Fort heureusement, cette scène ne dure pas assez longtemps pour que le spectateur lamdba que je suis ait le temps de s'enfuir, et le "vrai" film commence.



Le moment où tout va bien



On retourne 3 mois dans le passé. Tom Hiddleston, aka le Dr Laing dans le film, emménage dans un nouvel immeuble flambant neuf. Première tour d'un projet en comprenant 5, elle se veut autonome, avec son super-marché et autres services intégrés au bâtiment. Le début du film nous présente ce lieu comme une véritable utopie, où tout le monde est ami avec tout le monde et où une nouvelle fête est donnée chaque soir.
Mais plus le Dr Laing s'intègre dans ce nouvel environnement, et plus la vérité se découvre : les pauvres vivent en bas du bâtiment, et plus on monte dans les étages, plus les familles y résidant sont aisées. Le film construit alors sur ce principe une satire sociale, version "moderne" de la lutte des classes. Moderne entre guillemets, car le réalisateur a fait le choix de rester dans l'époque décrite par le livre, à savoir les années 70. Sachant que le thème de la dépendance à la technologie est également abordé, entre autres, il est dommage de ne pas avoir pensé à actualiser la chose. D'autant que ça n'aurait pas desservit le propos, bien au contraire.
Quoi qu'il en soit, le film s'avère bien vite n'être qu'une gigantesque métaphore d'une société toute entière, réduite à un seul immeuble pour mieux en dénoncer les inégalités. L'électricité est au centre de cette démarche : ce sont les plus riches qui en profitent le plus, et ce sont d'abord les étages les plus pauvres qui en sont privés en cas de coupure.
Laing en vient vite à rencontrer l'architecte du bâtiment, perché au 40e et dernier étage. Interprété par Jeremy Irons, il peut être vu comme le chef d'état - si ce n'est le dictateur - de cette micro société. Il explique à Laing que son objectif est de construire plusieurs autres tour au fonctionnement identique - comprendre l'expansion de son idéologie à d'autres pays ? - autour de celle déjà existante pour former une sorte de main.
Bref, au fur et à mesure que l'on rencontre de nouveaux personnages, tout semble de plus en plus clair. La structure du film est cohérente, ses différentes mécaniques bien huilées. La réalisation est propre, agréable et plutôt sobre. On suit avec intérêt cette satire sociale assez bien mis en scène. Et puis le film explose.



Le moment où ça part en steak



J'avoue humblement avoir eu beaucoup plus de mal à suivre cette seconde partie. Laing, comme le reste de l'immeuble, sombre dans la folie quand l'électricité se trouve coupée pour de bon. Les ordures s'entassent, les fameuses fêtes dérivent pour devenir des moments de débauche totale, avec d'énormes orgies et de la drogue, plusieurs meurtres ont lieu, quelques viols aussi...
Le huis clos, jusque là pas gênant, devient oppressant, malaisant. Les personnages, jusqu'alors propres et biens sous tout rapport, deviennent sales. Au fur et à mesure que la violence augmente, ils se couvrent de sang et de crasse. Laing, que l'on voit se laver à plusieurs reprises au début, refuse catégoriquement de retirer ses vêtements, même rapiécés, à la fin. Tout devient étrange, malsain, glauque...
Mais le plus étrange, c'est que les personnages continuent d'agir comme si tout était normal. On assiste à des discussions banales tournant autour de l'organisation d'une nouvelle fête alors que des personnes se sodomisent gaiement en arrière plan. Le récit n'a plus aucun sens, l'univers dépeint n'a plus aucune cohérence. Tout n'est plus que métaphore.
Le soucis, c'est qu'à ce stade du film le propos est déjà compris. On sait ce que le film veut nous dire, on comprend assez rapidement ce qu'il veut nous montrer avec ce chaos qui s'installe. Toute la dernière demi heure traîne alors en longueur, et on est vraiment soulagé quand le générique de fin apparaît enfin. Dommage, car pour le reste c'est un sans faute. Tous les acteurs sont bons, les images sont très belles, il n'y a pas grand chose d'autre à redire.



La conclusion



Créant volontairement un malaise dans sa deuxième moitié, High-Rise est un film qui divise. Mais son propos, passionnant, et surtout sa manière de le mettre en scène en font un film très abouti et plaisant. Reste que cette deuxième partie, oppressante à souhait, traîne trop en longueur, empêchant le plaisir d'être total.

Delfre56
8
Écrit par

Créée

le 21 déc. 2016

Critique lue 265 fois

Delfre56

Écrit par

Critique lue 265 fois

D'autres avis sur High-Rise

High-Rise
Morrinson
4

The harder they fall

Ben Wheatley. On commence à le connaître, le lascar. Un expert dans l'art de la provocation à des niveaux divers, thématique, esthétique, horrifique. Pour donner quelques éléments de contexte afin de...

le 31 mars 2016

46 j'aime

20

High-Rise
Vincent-Ruozzi
7

Snowpiercer prend de la hauteur

Adapté du roman éponyme de l'écrivain britannique J. G. Ballard sorti dans les années 70, High Rise est une histoire qui a tout pour plaire aujourd'hui. Sorte de dystopie en huis-clos, les...

le 3 mars 2016

45 j'aime

High-Rise
Velvetman
4

Révolution sous Xanax

Les œuvres de J.G. Ballard sont toujours fascinantes à transposer au cinéma, surtout lorsqu’elles sont remises entre de bonnes mains. Et quand la satire sociale de l’écrivain « I.G.H » se voit...

le 4 août 2016

40 j'aime

Du même critique

Valérian et la Cité des mille planètes
Delfre56
8

On m'avait dit que ce film ne Valérien, mais ce n'est pas vrai !

(Pardon pour le titre) "J'ai attendu toute ma vie pour faire Valérian", voilà ce que dit Luc Besson à propos de son nouveau bébé. Et savoir qu'un type comme lui place ce nouveau film au dessus d'un...

le 27 juil. 2017

Les Animaux fantastiques
Delfre56
8

Ce qu'il faut de fan-service au service des fans

Cinq ans seulement après la fin de la désormais mythique saga Harry Potter, la Warner remet le couvert avec une histoire se déroulant plusieurs années avant les aventures de notre sorcier préféré, et...

le 24 déc. 2016

High-Rise
Delfre56
8

Un film malsain à ne pas mettre entre toutes les mains...

Adaptation d'un livre que je n'ai pas lu, High-rise est un film de Ben Wheatley qui ne laisse personne indifférent. Dès le début, le ton est donné : on voit Tom Hiddelston faire rôtir un chien sur...

le 21 déc. 2016