Manuel d’apprentissage – Jour 11

--- Bonsoir, voyageur égaré. Te voila arrivé sur une critique un peu particulière: celle-ci s'inscrit dans une étrange série mi-critique, mi-narrative, mi-expérience. Plus précisément, tu es là au onzième épisode de la quatrième saison. Si tu veux reprendre la série à sa saison 1, le sommaire est ici :
https://www.senscritique.com/liste/Vampire_s_new_groove/1407163
Et si tu préfère juste le sommaire de la saison en cours, il est là :
https://www.senscritique.com/liste/Vampire_2_King_Crocs/2478265
Et si tu ne veux rien de tout ça, je m'excuse pour les parties narratives de cette critique qui te sembleront bien inutiles...---

En conséquence à l’issue de la soirée d’hier, j’ai convoqué ce soir tous mes loups à une réunion pour les informer de mon entretien de la veille. Je ne leurs dirais pas tout, car nous sommes entrées avec la reine dans des conversations presque intimes, parlant d’amour et de nos convictions les plus profondes, qui nous ont certes permis de mieux comprendre le point de vue de l’autre, mais certainement pas de trouver un arrangement. Et si mes loups ont droit à toute la vérité sur moi, je ne vois rien qui justifierai que je leur trahisse les confidences que m’a faite mon égale vampirique la veille. Peu importe, j’ai déjà beaucoup à leur dire, et pour cela j’ai choisi un film suffisamment long pour distiller toutes ces informations et le poids de leurs conséquences. 
Malgré toutes mes précautions, *Histoire de ma mort* est tout de même beaucoup trop long. Le pitch m’amusait à entrer en résonance avec notre actualité : deux grandes figures de la littérature se rencontrant. Mais sans vouloir me montrer prétentieuse, notre histoire actuelle est bien plus intéressante. En fait, n’importe quelle histoire serait plus intéressante… même *Twilight 2* c’était plus intéressant ! Si le film sur le papier laisse à présager quelque chose de délirant, de passionnel, de déchirant, de sanglant ou d’amusant, on se retrouve dépité face à un film extrêmement pédant, taiseux, et s’acharnant à sélectionner les instants les plus insignifiants de la vie de nos deux héros pour les porter tout en longueur à l’écran. Dommage car la scène d’ouverture était jolie. Laissant dans la longueur le déroulé de la naissance d’une intimité mystérieuse entre deux individus. Happée, la meute entière se taisait, enchantée par la jolie musique accompagnant cet instant, toute unie dans la volonté de savoir ce qui allait se passer ensuite. Et après avoir attendue aussi longtemps que notre immortalité nous a appris à être patient, nous avons fini par en avoir marre de regarder Casanova faire caca.
J’ai commencé à raconter à mes loups mon entretien d’hier. Je me suis vue dans l’obligation de commencer en leur annonçant que malgré la longue et belle conversation que j’ai eue avec ma collègue, nous n’avons pas pu déclarer un quelconque traité de paix. La faute d’une part au fait que je ne représente qu’une infime partie de mon peuple, et s’il est déjà discutable que ma qualité d’alpha me permette de parler dans le nom de tous les loups de ma meute, il est tout simplement impensable que je me substitue au jugement de ceux des autres meutes, et pires, de leurs alphas. D’autre part et symétriquement, la reine du conseil des vampires ne pouvait quant à elle prendre la voix de chacun de ses collaborateurs du fameux conseil. La société vampirique est bien plus organisée que nous le pensions, et peut-être bien plus encore que nous ne pourrons jamais oser l’imaginer. Tant est si bien que signer un traité de paix impliquant l’intégralité planétaire de leur espèce, envers l’intégralité planétaire d’une autre espèce, allant ainsi à l’encontre de la mouvance collective de la représentation de nos espèces dans la culture, dans l’imaginaire humain et dans nos comportements, serait un chemin si laborieux qu’il nécessiterai plusieurs siècles de tractation pour que sa signature vaille droit. En provoquant sans aucun doute des mutineries partout, des révélations, des émeutes… Inutile de semer un chaos en tentant d’en éviter un autre. 
A cet instant là, le comte Dracula a fait son apparition à l’écran. Bien triste figure, quand tout le reste du cinéma mondial marchait intelligemment vers la personnification de ce personnage, lui prêtant toujours plus de sentiments, de pensées, de gestes et de tourments, ce Dracula-ci rétrograde au premiers monstres du cinéma, tout juste bon à mordre et à être moche.  Mes loups, comme moi, ont gardé un œil distrait sur l’écran et une oreille attentive à mes propos.
Cependant, la reine des vampires n’est plus notre ennemi. Si elle a été la première à s’alarmer du retour de Lycaon sur le vieux continent, la lanceuse d’alerte et certainement la responsable de la situation actuelle, j’ai réussi à la convaincre de ma sincérité. Ça n’a pas été simple car je me rends compte que tout ce que j’ai fais pour essayer d’éviter la guerre n’a fait que renforcer les soupçons de mes potentiels adversaires.  Mais en entrant en profondeur dans la conversation, en montrant mes faiblesses à la reine, je suis parvenue à lui arracher ses propres faiblesses, et sa confiance. Je ne la trahirai pas donc en vous dévoilant le contenu de la conversation, mais le résultat est là. Si elle a lâché une bombe dans sa communauté, elle n’essayera plus de la faire exploser. Malheureusement cette bombe est dans les mains de chacun des individus du peuple de la nuit désormais. J’ai fais l’effort de taire ma rancœur envers son erreur pour pouvoir obtenir que nous travaillions ensemble à désamorcer tous ces petits explosifs disséminés partout. Encourager les amitiés inter-espèce, afficher publiquement la notre dès que possible, et continuer de nous renseigner avec bienveillance sur le mode de vie des autres, par le cinéma. Demain mes enfants, nous retournerons à la Cinémathèque.