A voir davantage pour Gottfried Reinhardt que pour Vincente Minnelli

Souvent oublié dans la filmographie du cinéaste, The story of three loves est un film à sketch constituée de 3 intrigues indépendantes, vaguement reliées par des personnages se trouvant sur un paquebot lançant des flash-backs. Comme son nom l'indique, il s'agit de trois histoires d'amour, romantiques certes mais pas vraiment comédies romantiques. On est davantage dans le registre d'histoires condamnées, compliquées ou torturées.
J'avais acheté le DVD Warner Archives évidement pour la présence de Vincente Minnelli derrière la caméra de la seconde histoire où un un garçon n'appréciant guère sa professeure particulière de français (Leslie Caron) se retrouve dans le corps d'un adulte le temps d'une journée et voit d'un nouvel œil cette dernière.
Le format réduit de 30 minutes n'est pas suffisant pour rendre l'évolution des personnages crédible. Tout va trop vite et on ne croit pas beaucoup à ce coup de foudre improbable même si Leslie Caron est assez touchante dans l'espoir et la promesse d'une rencontre miraculeuse. Pour le reste, hormis le plan d'ouverture et la direction artistique de la demeure de la "sorcière", la mise en scène de Minnelli est assez fonctionnelle et ne trouve que timidement sa délicatesse frémissante alors que tout était en place pour : la lecture de poésies, les références au conte de fée (il y a quelque chose de Cendrillon), l'amour naissant lors d'une ballade nocturne, une certaine pureté des sentiments, une mélancolie sur des rêves chimériques...
Assez décevant.


Cela dit le film vaut franchement le coup pour les deux autres segments signés Gottfried Reinhardt dont je n'avais jamais entendu parlé et dont je n'attendais strictement rien. Son premier épisode est ironiquement typiquement Minnellien et se hisse aisément au niveau de ce dernier. On sent aussi l'influence tragique des Chaussons Rouges, et pas seulement parce qu'on y retrouve Moira Shearer dans le rôle principal, celui d'une danseuse qui se donne corps et âme à sa passion autant par dévotion que par amour à un artiste (James Mason) pris d'une fièvre créatrice en la regardant danser.
Cela donne ainsi deux scènes de danses sensationnelles, par ailleurs admirablement mises en scènes. Les couleurs, la conception des décors, la grâce des mouvements de caméra, le lyrisme des cadrages... Reinhardt y fait preuve d'un raffinement certainement plus proche d'une sensibilité européenne que des yesman de la MGM.


Le dernier épisode dure un peu plus d'une heure et est également une remarquable réussite dans un registre différent avec une très touchante histoire d'amour où deux écorchés à vif pansent lentement leurs plaies : une jeune femme sortant d'une tentative de suicide et un trapéziste se sentant responsable de la mort de sa partenaire - et compagne - lors d'un numéro.
Le duo formé par Kirk Douglas et Pier Angeli est pour le moins poignant et ils sont vraisemblablement conquis par le scénario et la complexité des relations entre leur deux personnages. Reinhardt leur fait d'ailleurs amplement confiance et plusieurs scènes intimistes se concentrent sur leur visages en limitant les déplacements, les figurants et les décors.
Les 20 dernières minutes sont même à couper le souffle avec plusieurs numéros de hautes voltiges aussi spectaculaires qu'intenses psychologiquement. Non seulement la mise en scène possède un découpage virtuose, conférant un rare sens du vertige, mais en plus les comédiens exécutent autant que possible leurs propres acrobaties. Le final devient ainsi un sublime acte d'amour et de confiance dont l'enjeu n'est pas la prouesse physique de l'acte mais de renouer tout simplement avec l'envie de vivre.

anthonyplu
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le 10 nov. 2019

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