Vertigineux

Histoires extraordinaires ne ressemble à nul autre film et sous le vernis de l'exercice de style se cache une véritable petite pépite qui nous emmène dans un sacré voyage labyrinthique. Le film est divisé en 18 chapitres (plus une histoire bonus) et est scindé en 3 intervalles qui permettent un visionnage étalé mais j'ai personnellement opté pour un visionnage en une fois afin de m'immerger pleinement dans ce film singulier qui m'a permis d'en sortir avec une sensation de vertige indescriptible.

Nous y suivons 3 personnages dont nous ne connaîtrons pas les noms complets et dont nous n'entendrons pas le son de la voix (ou très peu). Si quelques dialogues parsèment le film, nous y trouvons surtout une narration en voix-off omniprésente qui confère au film une dimension littéraire assez unique et intrigante. C'était l'aspect qui m'effrayait un peu sur le papier avant de me lancer dedans mais j'ai vite été rassuré tant cette proposition artistique inédite m'a convaincu par l'originalité qu'elle apporte dans la mise en images d'un récit filmé. La voix-off complète la scène mais sait se mettre en retrait au moment opportun, laisse l'image respirer et ce parti-pris esthétique permet finalement au spectateur de se projeter pleinement dans ces personnages qui échappent à tout archétype ou écriture superflue. Et de manière générale Histoires extraordinaires est un film qui ne nous donne pas de solutions clés en main pour nous laisser dériver en même temps que ces 3 protagonistes dont les pérégrinations nous emmèneront vers toujours plus de mystères.

Ce qui frappe dans cette œuvre c'est cette liberté non seulement dans la narration mais aussi dans la forme avec une image semi-pro et imparfaite qui dégage une ambiance assez dingue grâce notamment à un découpage au cordeau. Tout le monde ne peut pas être sensible à cette proposition esthétique mais elle m'a personnellement comblé, contribuant justement à cette sensation de pouvoir me projeter dans ces personnages et ces situations. En plus de cela Llinas varie les styles passant tour-à-tour du gros plan au plan large, du roman-photo au split-screen animé avec un naturel et une fluidité grisantes. J'ai pris un pied terrible à me laisser dériver dans ces histoires qui mêlent mystères, enquêtes, obsessions, fascination et ne manquent jamais de surprendre quitte à prendre des risques en frôlant l'absurde.

Je suis sorti particulièrement envoûté de ce visionnage tant le film est dense et riche tout en ayant ce don de faire jaillir l'extraordinaire du quotidien, de 3 fois rien. Il est difficile de mettre des mots sur tout ce qu'on peut y ressentir puisque Llinas fait confiance à son spectateur et que chacun y trouvera une lecture et des émotions différentes. Et j'en oublierai presque de parler de cette bande-son incroyable qui accompagne ces récits et contribue à rendre cette atmosphère unique et vraiment dingue. Un beau coup de coeur ! Je le conseille d'ailleurs vivement à celles et ceux qui ont adoré le diptyque Trenque Lauquen tant on y retrouve des similitudes thématiques et esthétiques.