Horrible
4.8
Horrible

Film de Joe D'Amato (1981)

Au sortir de leur cycle caribéen qui virent les complices Joe D'Amato et George Eastman écrire et réaliser pas moins de cinq films en République Dominicaine : Hard Sensation, Exotic Love, Sesso nero, Porno Holocaust et Erotic Nights of the Living Dead, le champion du cinéma bis transalpin et le géant romain revinrent sur leurs terres pour mettre en scène un nouveau film d'horreur au titre original équivoque : Rosso sangue (Rouge sang). Profitant du succès de leur précédent effort cannibale en mer Égée, le craspec Anthropophagous (1980), et de celui des futures franchises étasuniennes Halloween et Vendredi 13, les deux italiens commettaient avec Horrible un diptyque des plus saignants et malsains.


Détail révélateur de cette turbulente année 1981 placée sous le signe du slasher et du gore, et de l'influence du renouveau du cinéma horrifique d'Outre-Atlantique, en sus du retour dans les salles obscures de Michael Myers et Jason Voorhees, les deux maîtres du cinéma bis européen Jess Franco et Joe D'Amato réalisèrent deux films directement associés aux premiers méfaits de ces sinistres sirs ou assimilé. Bloody Moon (La lune de sang) du madrilène n'était autre qu'une adaptation du métrage de Sean S. Cunningham, ou le massacre de jeunes allemandes dans une école de langue ibère. A son compère romain alors de convoquer dans Horrible l'esprit du psychopathe créé par John Carpenter et Debra Hill ? En partie seulement. Si Bloody Moon était en premier lieu une commande, Rosso sangue s'inscrivait en revanche dans les thématiques chères à D'Amato, et en particulier son goût prononcé pour un exhibitionnisme cru et viscéral propre à satisfaire les déviances et autres mauvaises pulsions de ses spectateurs consentants.


Dans une petite ville des États-Unis, un mystérieux homme (George Eastman) récemment hospitalisé sème la terreur en tuant quiconque a le malheur de croiser son chemin. En sous-effectif, le sergent Ben Engleman (Charles Borromel) est vite dépassé par les évènements à mesure que celle-ci découvre les cadavres qui s'amoncellent. A sa poursuite depuis sa Grèce natale, un prêtre (Edmund Purdom) informe les forces de l'ordre que cet homme est doté d'un pouvoir de guérison surnaturel : « son sang se coagule tellement vite que toutes ses blessures se cicatrisent en quelques secondes ». Seul espoir, le blesser au cerveau, ce qui empêcherait la mémoire de ses cellules de reconstituer les organes de son corps qui ont été lésés. Les heures sont désormais comptées...


A l'instar du terrible Anthropophagous, et comme l'était encore auparavant Blue Holocaust en 1979, Aristide Massaccesi de son vrai nom ne s'embarrasse pas de bienséance. L'amateur de sensations fortes saura trouver en cet Horrible un spécimen rare. Faisant fi d'une quelconque suggestion, rien n'échappe à sa caméra carnassière : du sang aux viscères en passant par les crânes éclatés des victimes du dénommé Mikos Stenopolis. Crues, brutales, ces scènes gore se démarquent néanmoins des habituels catalogues ou autre inventaire du parfait petit meurtrier de masse. D'Amato, on l'aura compris, n'hésite nullement à verser du côté de l'outrance, mieux, les effets spéciaux et maquillages à sa disposition lui permettent à bon escient de dépeindre un réalisme des plus morbides.


Comme souvent dans ce genre de production, divers éléments tendent à réduire quelque peu la portée souhaitée. Le scénario écrit par Luigi Montefiori, alias George Eastman, n'est en effet pas exempt de douces maladresses et autres délicieuses incohérences. A l'instar du pseudonyme anglophone Peter Newton dont s'est affublé D'Amato, l'action de Rosso sangue se situe dans une anonyme bourgade étasunienne... qui ressemble en réalité à la province italienne. Ne pas s'étonner dès lors que cette dichotomie spatiale soit créatrice de troubles touchant directement la population locale, telle la mère de l'héroïne qui ne sait plus sur quel continent elle habite comme lui fait remarquer son époux : "Et toi sincèrement tu exagères un peu tu sais, nous ne partons pas en Amérique" (non juste chez des amis où les attendent pour le dîner un bon plat de spaghettis, le tout devant la retransmission en direct d'un match de foot US). Ajoutons à cela le sempiternel gamin tête à claques qu'il est de bon ton de faire subir aux spectateurs, l'horreur n'est pas forcément là où elle prétend être !


De la troublante et nullement fortuite ressemblance avec La nuit des masques de John Carpenter, le constat premier aurait sans doute été de railler l'opportunisme facile du duo précité. Ne prétendant nullement égaler l'original, Horrible n'est pourtant pas qu'une simple resucée. Au contraire. Si le scénario s'attache à reprendre plusieurs éléments clefs du classique de 1978 : un « ogre » en lieu et place du fameux croquemitaine du petit Tommy, un tueur fou échappé d'un hôpital, une baby-sitter (et une garde-malade en sus), ou encore la présence d'un docteur, prêtre pour l'occasion et ennemi juré du monstre, Montefiori y incorpore également d'autres composantes plus ou moins originales. Mikos Stenopolis fait ainsi évidemment échos au terrible Nikos Karamanlis d'Anthropophagous, la fringale cannibale de ce dernier cédant sa place à une invincibilité à l'épreuve des balles, fruit des expérimentations biochimiques dont Stenopolis fut le cobaye. Capillotracté ou non, et à défaut de nous expliquer comment ce psychopathe a réussi à traverser l'Atlantique pour se retrouver perdu en pleine campagne étasunienne (?!), l'argument fantastique a l'avantage certain de mettre un terme à l’inexplicable immortalité des serial killers qui hantent les films d'horreur.


Jean-François Rauger avait non sans raison dépeint Anthropophagous par sa « violence graphique proprement inouïe ». Horrible fait sinon mieux, du moins encore plus fort. En dépit des faiblesses évoquées précédemment, le long métrage se distingue par son atmosphère malsaine croissante, avec en point d'orgue l'éprouvante exécution de l'infirmière interprétée par Annie Belle, ex-égérie de Jean Rollin dans l'onirique Lèvres de sang. Fort d'une tension anxiogène dont l'imposante carrure et le jeu physique de George Eastman en sont le parfait émissaire, Rosso sangue mérite amplement ses galons de classique du genre, et sa place parmi les indispensables de l'imposante et très hétéroclite filmographie du réalisateur romain.


Le DVD a été réédité en septembre 2014 par BACH Films avec en guise de supplément un entretien avec Christophe Lemaire.


http://www.therockyhorrorcriticshow.com/2015/02/horrible-rosso-sangue-joe-damato-1981.html

Claire-Magenta
7
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le 20 mars 2015

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Claire Magenta

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