Dans le désert, personne ne vous entendra crier qu’ils disaient. Dans l’imaginaire horrifique, le désert charrie de nombreux mirages. Nous ne sommes jamais à l’abri d’y faire une mauvaise rencontre. C’est aussi la litière préférée des criminels et un terrain de jeu fertile pour les complotistes en herbe (les ovnis, la zone 51). À ce jeu là Dutch Marich préfère jouer la carte de la suggestion, jusqu’à son ultime quart d’heure renouant avec l’essence même du Found Footage.
Porté disparu
Le désert n’est pas le lieu de prédilection du Found Footage. En écartant Area 51 de l’équation, seul le récent Outwaters utilisa cet environnement afin de poursuivre l’idée de chimères lovecraftiennes. Outre la nature inhospitalière de ce territoire, il faut également composer avec une faune carnassière et sauvage (ours, scorpions, crotales, serpents à sonnette), sans compter que le site du Nevada a également servi aux expérimentations nucléaires des Etats-Unis et qu’il fourmille des spectres de la conquête de l’Ouest et des mauvais esprits comme le Wendigo.
Qui est Gary Hinge ? S’est-il simplement égaré comme les autorités le soulèvent, aurait-il été la proie d’une entité ou bien d’un meurtre en bande organisée ? Qu’est ce qui se terre dans ces contrées les plus reculées ? Autant de questions qui trouveront leurs réponses grâce à l’enregistrement d’un randonneur porté disparu qui pourrait vous flanquer quelques sueurs froides.
Dutch Marich reprend à son compte les codes du documentaire afin de livrer un fait divers crédible avant un dernier quart d’heure horrifique.Horror in the High Desert est constitué d’interviews de proches tentant d’élucider ce mystère en regroupant toutes les informations et archives à disposition, entrecoupées d’images de reconstitutions, d’interventions de journalistes et d’enquêteurs qui émettent leurs propres hypothèses. L’enquête est assez crédible et envisagée sous le prisme cartésien, puisque l’on suppose que le randonneur a sûrement été victime d’un accident pédestre ou bien d’une insolation faute de préparation suffisante. Pourtant, certains témoignages évoquent également des conflits familiaux et broutilles entre amis, apparemment sans incidence ni rapport avec l’intrigue.
The Shadows
Cette exposition permet d’étoffer le portrait on ne peut plus crédible de Gary, un jeune homme présenté comme quelqu’un de très solitaire. Le jeune influenceur ne prenait jamais l’habitude de laisser des nouvelles à ses proches lorsqu’il se lançait dans ses excursions commandos. Personne ne connaissait véritablement le personnage cultivant un petit jardin tenu bien secret, entre une homosexualité non assumée et une communauté de 50 000 followers sur les réseaux sociaux.
Le jeune Gary prenait toujours la peine de filmer chacune de ses découvertes parfois insolites : une mine ainsi qu’un chemin de fer abandonnés, ou bien des vestiges de l’implantation des premiers colons. Ses nombreuses vidéos vont mettre à jour une autre hypothèse aussi surprenante que saugrenue, étayée par la découverte d’empreintes dans son véhicule, retrouvée à mille lieues du site de sa véritable disparition. Gary aurait été le témoin d’une présence paranormale dans les montagnes.
Face à cette révélation, l’influenceur deviendra la victime d’un cyber-harcèlement des internautes criant au canular opportuniste. Cette intelligente mise en abyme permet au cinéaste de justifier une dernière randonnée, poussant le personnage à braver tous les dangers pour prouver la véracité des faits. Quelque temps après, une découverte macabre à proximité d’un campement nous amènera à reconsidérer notre point de vue grâce aux enregistrements du randonneur dont la caméra aura capté les derniers instants. Le documentaire propose alors de nous en dévoiler les rushs.
Le dernier quart d’heure s’approprie alors les artifices propres au found-footage (image infrarouge, formes tapis dans le noir, distorsions sonores) afin de mettre en scène une partie de cache-cache terrifiante dans les collines. Cette conclusion sans équivoque ne laisse plus aucune place à la suggestion, embrassant la notion de territoire mainte fois rebattue dans le survival (Massacre à la Tronçonneuse, La Colline a des yeux, Détour Mortel). À vouloir trop en montrer, Horror in the High Desert échoue comme la plupart de ses contemporains à faire preuve d’une rétention absolue d’effet, pour laisser le spectateur se façonner cette horreur indicible et noir. Dutch Marich réussit néanmoins à poser les bases d’une légende urbaine qui ne demande qu’à être exploité.
T'es nostalgique du Projet Blair Witch, t'aimais bien mater des VHS sur ta télé carrée ? Tu regrettes le numérique dégueu des années 2000 ? Tu voulais du rab de Found footage ? Eh bien rends-toi sur L’Écran Barge où tu pourras bouffer de la bande magnétique par tous les pores de ton corps jusqu'à t'en dégoûter définitivement.