Ni plus ni moins qu'un film de guerre à l'Américaine

Il fut un temps où les productions hollywoodiennes explosives passaient par un seul homme : Jerry Bruckheimer. Le producteur avait sous son aile bien des réalisateurs, dont Michael Bay (de Bad Boys à Bad Boys 2) et Tony Scott (du Flic de Beverly Hills 2 à Déjà-vu), permettant aux années 80-90 de nous offrir des divertissements de haute volée (Top Gun, Rock, Les Ailes de l’Enfer, Armageddon…). Et puis, après quelques gros titres dans les années 2000 (dont La Chute du Faucon Noir), le bonhomme s’est éclipsé derrière une collaboration inégale avec les studios Disney. Perdant ainsi de sa notoriété et de sa puissance. D’accord, il a été à la tête de productions hors normes telles que les franchises de Pirates des Caraïbes et de Benjamin Gates. Mais il est depuis responsable de films oubliables (Mission-G, L’Apprenti Sorcier), voire même d’échecs commerciaux cuisants (Prince of Persia, The Lone Ranger). Et quand il décide de sortir de chez l’oncle Walt, le succès n’est toujours pas au rendez-vous (Délivre-nous du mal). Le sera-t-il avec sa nouvelle production sur fond de guerre, Horse Soldiers (12 Strong en VO) ? Bien que le budget de 35 millions soit rentabilisé, nous sommes encore bien loin de la barre des 100 millions (à l’heure actuelle, le film réunit plus de 53 millions à travers le monde). Un score plutôt faiblard que pourrait justement s’expliquer par la qualité du film, tout simplement banal malgré quelques atouts non négligeables.


Pour ceux qui se lanceraient dans l’aventure sans savoir de quoi il retourne, Horse Soldiers narre une mission militaire survenue en 2001. La première lancée au lendemain des attentats du World Trade Center (quelques jours après, plus précisément) en Afghanistan, dans le but de démanteler un groupe de talibans. Et qui a marqué les esprits du peuple américain, car ayant été menée par 12 agents des forces spéciales, qui ont dû affronter – avec l’aide de mercenaires – une armée entière. D’emblée, en lisant le synopsis, on sent la firme patriotique à plein nez ! Et quand un film américain s’engouffre là-dedans – le cinéma nous l’a montré maintes et maintes fois –, il peut gâcher tout son potentiel. Horse Soldiers entre malheureusement dans cette catégorie… Bien que ce ne soit pas le pire, il faut l’admettre. Et aussi, aux vues du récit qui nous est ici proposé (la survie de ces hommes, façon David contre Goliath, érigés en héros), il est très difficile de ne pas tomber dans le patriotisme. D’autant plus que l’histoire en elle-même s’est réellement déroulée, ce que tu ne peux critiquer (surtout que tu n’étais pas présent pendant les faits). Par contre, il n’était vraiment pas nécessaire d’en faire par moment des caisses, comme de filmer la chevauchée de nos héros, au ralenti, avec en fond des compositions orchestrales héroïques (style western, genre justement très approprié pour ce qui touche le Rêve Américain). Ou encore de proposer des séquences anecdotiques qui vont dans ce sens (la femme du personnage principal, fière devant un discours à la télévision car reconnaissant son mari dans le verbe). Nous sommes encore très loin d’un Pearl Harbor (le film qui osait transformer une défaite historique en victoire américaine dans sa manière de narrer les faits), mais le patriotisme suinte un peu trop dans Horse Soldiers, au point de vampiriser un sujet pourtant très intéressant du film.


Car à bien y regarder, le long-métrage n’est pas forcément la survie de ces douze soldats, mais plutôt l’alliance entre les Américains et les forces Afghanes-Ouzbeks qui a dû se faire pour combattre un ennemi commun. Une union peut évoquée et pourtant riche, humaine, alors qu’elle était plus que bancale sur le papier. D’un côté nous avons des hommes hantés par la vision du terrible attentat, de l’autre des mercenaires déjà en proie à des guerres internes et devant s’acoquiner avec un nouvel envahisseur. Une association qui s’est faite par la confiance, le respect et la compréhension de l’autre. Comme l’illustrent si bien les nombreuses discussions entre le personnage principal (le capitaine de l’escouade) et le seigneur de guerre ouzbek qui sont, à mon sens, les passages les plus intéressants du long-métrage. Ce qui donne par ailleurs à Horse Soldiers un tout autre cachet par rapport aux autres productions du genre. Mais encore une fois, le patriotisme exagéré de l’ensemble vient quelque peu entacher le constat, passant ce sujet au second plan au profit du sens du sacrifice des Américains. Ces derniers sont ainsi beaucoup trop mis en avant alors qu’il était sans doute plus judicieux de s’intéresser au sort des forces afghanes (résumé en la personne du seigneur de guerre), transformées pour l’occasion en banales chairs à canon.


Fort heureusement, le film peut compter sur un certain savoir-faire pour tirer son épingle du jeu et se présenter à nous tel un divertissement de guerre pour le moins efficace. Cela, nous le devons au cinéaste danois Nicolai Fuglsig (issu du photojournalisme) qui, il faut bien le dire, a fait des choix judicieux pour la réalisation de ce Horse Soldiers. Alors certes, l’ensemble transpire le patriotisme (ne revenons pas là-dessus…) et paraît bien impersonnel. Cependant, le réalisateur ne tombe jamais dans la gratuité. Que ce soit au niveau de la violence (nous sommes bien loin de la surenchère façon Windtalkers) ou bien du spectaculaire. À aucun moment Fuglsig ne veut en mettre plein la vue, préférant se concentrer sur son récit, en y apportant une bonne touche d’humanité. Même l’humour a droit à une petite place, apportant ses moments de légèreté bienvenus. Pour cela, il fait dans la simplicité, n’abusant jamais des effets pyrotechniques à outrance ni d’instants dramatiques poussés à l’extrême. Avec un montage maîtrisé, il livre un long-métrage dynamique, sachant remplir aisément son cahier des charges et nous divertir comme il se doit.


Voilà comment se présente donc Horse Soldiers : il s’agit d’un film de guerre américain. Il n’existe pas d’autres manières de le décrire tant le long-métrage est l’exemple-type de ce genre de divertissement. Ayant aussi bien les défauts que les atouts que ces congénères, parvenant à faire convenablement le taf sans toutefois transcender l’assistance. Pas mémorable, pas honteux… Certainement pas ce qu’il faut pour que Jerry Bruckheimer revienne sur le devant de la scène. Mais la production nécessaire pour nous faire dire qu’il existe toujours et qu’il est capable de donner naissance à des projets encore sympathiques hors Disney.


Critique sur le site https://lecinedeseb.blogspot.com/2019/01/rattrapage-2018-horse-soldiers.html

Créée

le 15 févr. 2018

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