Si cracher au visage de ce qu'on n'aime pas est divertissant, défendre des causes acquises confortable, c'est une autre paire de manches (sans jeu de mots contextuel) que de parler de quelque chose qui vous a profondément ému, touché, tout en étant un peu borderline.

Hustler White, c'est le savoir faire de la littérature américaine appliqué au montage, c'est une contreplongée dans l'underground gay du Santa Monica Boulevard, c'est la face cachée du rêve Hollywoodien.
Ce sont des images magnifiques, parfois difficiles, une esthétique affirmée et personnelle, des références culturelles tantôt subtiles tantôt explicites au cinéma classique, à la musique underground (whatever that means), à la culture gay.
Bref, Hustler White est un grand film.

Le film s'ouvre sur le cadavre flottant de Monty Ward (joué par Tony Ward, l'ex de Madonna, enfin un ex de Madonna, celui qui la tripotait dans le clip de Justify my Love), un prostitué des bas-fonds d'Hollywood, floating face down in a jacuzzi.

Une voix-off, celle de Monty, nous invite à suivre les événements et la rencontre qui l'a mené à cette situation, un cut, et on se retrouve dans un montage nerveux en parallèle de Monty en train de se faire monter sauvagement par un grand gaillard barbu, l'atterrissage d'un avion, et Monty en train de se masturber en repensant à la scène de grand barbu.

Du coup, on sait déjà trois choses.
Les homophobes et âmes sensibles doivent impérativement passer leur chemin, car ils y a quelques scènes de sexe explicites, et une ou deux scène de domination plutôt trash. Ce serait dommage, mais à l'évidence, ça risque de gâcher le film à ceux qui ne sont pas prêt à encaisser ça.
Pourtant, la provocation n'est pas le propos du film, c'est simplement que le milieu de la prostitution gay est un milieu assez extrême, et Bruce LaBruce ne joue pas au censeur, il a d'autres choses plus intéressantes à faire.
Cette introduction "en douceur" est donc une sorte d'avertissement.
Mais elle nous met aussi en contact avec la maestria dont fait preuve le réalisateur dans la manipulation du temps narratif, des flashbacks, des parallèles, des glissements d'une ligne narrative à l'autre, des fragments anecdotiques qui finissent par faire sens.
Rien n'est laissé au hasard dans ce film, tout a une fonction, qu'elle soit narrative, sensuelle ou esthétique.

Ceux qui décident donc de s'aventurer plus loin dans le film rencontrent le personnage principal, Jürgen Anger (clin d'oeil revendiqué à Kenneth Anger, réalisateur expérimental, magicien-sorcier dans la lignée d'Aleister Crowley, dont l'imagerie homo de certains de ces films (la moitié en fait) a marqué LaBruce), un écrivain plein de suffisance échappé d'un film en noir et blanc qui est ici pour effectuer des recherches sur le milieu.
Les deux protagonistes se croisent par accident, Anger craque pour le beau Monty mais le loupe de peu.
Il trouve le t-shirt de Monty, et l'utilise comme prétexte pour aborder le jeune homme, mais ce dernier prend Anger pour un flic et chaque rencontre se transforme en course poursuite.

Une dérive narrative passionnante et éprouvante, des personnages hauts en couleurs, parfois délirants, parfois malsains, parfois effrayants, une histoire d'amour innocente dans un univers qui ne l'est pas, Hustler White est fou, drôle, choquant, beau, sensuel, et s'avère être un des meilleurs films que j'ai pu voir.

Il est passé il y a une dizaine d'années au cinéma à Metz dans le cadre d'un festival, et un de mes meilleurs amis savait à quel point ce film était excellent, mais il n'avait pas osé me le conseiller car ayant parfois un humour un peu limite, il n'était pas certain que je ne sois pas un bon vieux réactionnaire raciste, homophobe, nazi...etc.

A quelques semaines et une discussion près, je découvrais cette perle au cinéma, plutôt que chez moi.
Dire qu'à la place je suis allé voir Sitcom de Ozon...

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le 30 mars 2011

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toma Uberwenig

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