Après avoir réalisé un film en 2011, Gerard Johnson revient sur le devant de la scène, adoubé par Nicolas Winding Refn. Je parlais déjà de ce dernier dans ma critique de Lost River pour les références faites à son cinéma. « J’ai vu le futur du polar et il crie Hyena », affirme le Danois qui, lui-même, essaie de révolutionner ce genre très populaire.


Deuxième collaboration entre l’acteur Peter Ferdinando et Gerard Johnson, tous deux britanniques, Hyena nous plonge au cœur de la jungle londonienne, sur fond de drogue et de prostitution. Sans concession, ce polar nous expose ce qu’est la descente aux enfers au cinéma.



Bas-fonds



Londres, 2014. Michael Logan, agent de la brigade des stups, connaît la ville comme sa poche. Ses relations y sont nombreuses, autant du bon que du mauvais côté de la loi. Ses supérieurs et collègues le considèrent comme un bon flic. Il est respecté et craint. Une hyène pour ses ennemis.


Alors qu’il vient d’engager 100 000 £ dans une transaction contrebandière, le malfrat l’ayant mis sur l’affaire est tué sous ses yeux. Dissimulé, il identifie les deux tueurs connus sous le nom des frères Kabashi, deux armoires à glace fraîchement débarqués d’Albanie. Ces derniers suppriment progressivement tous leurs concurrents sur les marchés de la drogue et du proxénétisme. Logan va voir ses habitudes bouleversées.


Fini le jeu du bon et du mauvais flic. Place à la réalité d’un monde où rien n’est blanc ou noir. Les gardiens de la paix se révèlent en antihéros torturés et taiseux qui sillonnent l’Angleterre de la vieille école, espérant trouver la rédemption à chaque coin de rue. Ce n’est pas l’inspecteur David Knight, revenu travailler à la brigade des stups dix ans après avoir été inculpé pour corruption, qui dira le contraire.


Si Hyena ne fait, certes, aucune concession, sa violence n’est pas aussi prononcée qu’on le dit. À mon sens, les scènes les plus graphiques se gardent bien de tomber dans l’écueil du gore, ce qui est fort rare en ces heures de cinéma grand spectacle. Et les quelques effets de style mis en place (clairs-obscurs, stroboscopes, contre-jours…) restent discrets. L’on peut d’ailleurs porter ce constat à la globalité de la mise en scène dont la simplicité n’a d’égale que son efficacité. Non dénuée d’un certain charme, celle-ci se résume en trois gimmicks : caméra à l’épaule, longs travellings et ralentis.



Le présent du polar



J’ai toujours autant de plaisir à retrouver l’accent londonien, comme entendu chez Guy Ritchie, dans la bouche des personnages. Dès lors que Logan conversait avec ses contemporains, un sentiment familier m’envahissait. Un sentiment plaisant. J’avais la nette impression d’entendre parler ces acteurs répondant aux doux noms de Jason Statham, Dexter Fletcher ou encore le chanteur Steve Mariott (du groupe Small Faces) car, comme je l’ai déjà dit, j’écoute beaucoup de rock psychédélique.


Les sujets de Sa Majesté (et notamment les cinéastes) sont pour moi à suivre de très près, tant ils débordent de créativité. En tout cas, assez pour couvrir l’humanité de cadeaux en 24 images par seconde.


Toutefois, force m’est d’admettre que Hyena ne fait pas honneur à l’inventivité britannique, se contentant de servir du réchauffé. Serpico de Sydnet Lumet ou Bullhead de Michael R. Roskam sont tant de longs métrages qui, bien que traitant d’autres sujets, semblent l’avoir inspiré. Est-ce une question d’ambiance ? De ton ? Je l’ignore. Toujours est-il qu’il est aujourd'hui fréquent de ressentir une impression de “déjà-vu” au cinéma. Et j’en suis le premier navré.


Le futur du thriller ? Laissez-moi rire. Hyena appartient au présent. Il est fort à parier que c’est sa violence froide qui a séduit Nicolas Winding Refn au point de le dresser en exemple, en éclaireur de la grande marche cinématographique du XXIe siècle, mettant son image au service du septième art probablement pour flatter son ego surdimensionné.


De surcroît, la fin, c’est sûr, en décevra plus d’un, bien qu’elle ne m’ait, personnellement, pas dérangé. Ce qui m’amène à la conclusion de cette critique, dans laquelle je tenterai de rester objectif : pour un deuxième essai, Gerdard Johnson a signé une œuvre bien ficelée et agréable à parcourir pour peu que l’on aime s’immiscer dans le quotidien d’individus malhonnêtes, mais pas une œuvre nouvelle, marquante, inoubliable… Rendez-vous au cinéma pour un avis contraire.


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AnarchikHead
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le 5 juin 2015

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