C'est pas une sorcière mais elle m'aura comme même envoûté...

C'est en ce doux et chaleureux mois de juin 2022, à l'aulne des grands départs en vacances, que je me suis lancé, un peu au pif, "I'm not à witch", d'abord pour casser avec mes perenigrations enivrantes et émotionnelles à travers le monde du jeu vidéo, malgré tout mon amour pour ce média, l'envie de vivre de telles sensations à travers le cinéma, l'amour que j'ai pour l'Afrique et ses différents peuples et une certaine curiosité au vu de son titre, de son affiche et motivé par sa bande annonce, qui à eux trois me promettaient une évasion, un voyage, un envoûtement....

Un envoûtement immédiat, par l'intelligence de sa direction artistique, de sa finesse visuelle, juxtaposant élégamment des sublimes jeux de couleurs, bien aidé par la richesse des habits traditionnels africain, leur amour pour la sape, leur créativité vestimentaire, la beauté de leur visage, la diversité ethnique, la richesse de leur culture, ici en totale dichotomie avec la sécheresse de leur territoire, la désertification du sol, l'appauvrissement de la végétation, la froideur des habitats précaires, la désuétude des infrastructures...mais aussi par cette volonté de jouer avec l'image, à travers un enchaînement de format de caméra, de focale, de champs de vision, de hors-champs, de préférer les lumières naturelles, les changements climatiques...et grâce à un sound-design plein de malice, mettant autant l'emphase sur les sonorités environnementales, les musiques intra-diegetiques que sur l'extra-diégetique, créant volontairement des dissonances, des incohérences, entre musique classique enivrante, musique traditionnelle énergisante et musique contemporaine étonnante afin de nous piéger dans un univers sans nom, sans dates, sans repères, plein d'onirisme, de mystère, d'incompréhension, comme emporté dans un conte, une fantaisie, où notre ouïe, notre vue était contrôlée, nos émotions, nos ressentis étaient dirigés...comme si un vieux griot nous avez enivré, un vieux marabou nous avez ensorcelé....

Un envoûtement ensuite par l'intelligence de sa démarche narrative, architecturé autour d'une jeune fille que l'on accuse de sorcellerie, architecturé autour des mythes africains, autour des traditions rurales, nous offre une satire, une critique, une lecture à la fois amusante, magnifique et troublante sur l'Afrique, ses peuples, ses problématiques, sa magie, son extravagance théâtre dystopique, hors du temps, sans réelle géographie se révélant être au final, une métaphore, une allégorie bien plus universelle, sur notre monde, sur nous, à travers la hiérarchie sociale, l'aliénation au travail, l'exploitation humaine, l'assimilation culturelle, l'opposition entre tradition et modernité, la starification à tout va, la surenchère des nouveaux médias, la corruption des élites, l'immobilisme étatique, le racisme envers l'inconnu, la peur de la solitude, la discrimination des plus faibles, la quête idenditaire, la volonté de se libérer, la misogynie de nos sociétés, la surconsommation des ressources, la complexité des rapports, la place de l'handicap, la désertification rurale, l'extrémisme spirituel, la traite des hommes, la gestion des orphelins...jouant avec nos réflexions, nos émotions, nos questionnements comme ces récits mystiques, qui ne sont au final que des révélateurs de nos problématiques communes, comme ces contes qui à travers leurs univers fantastiques, livraient de juste vision du monde, comme troublé, totalement ensorcelé...

C'est donc après à peine 1h20, sans temps morts, sans lassitude, que je sors de cette œuvre, de cette expérience le cœur palpitant, la larme a l'œil, le sourire aux lèvres, le cerveau en plein travail, scotché par cette démarche artistique, bousculé par son ingéniosité, troublé par cette jeune fille, amusé par cette satire, questionné par ce qu'elle raconte, émerveillé par cette vision de l'Afrique, enchanté par cette capacité à transcender son postulat tres enraciné pour nour livrer un message universel, ému par son final, amoureux de ce film, interloqué du manque de visibilité dont il est victime, heureux de voir ce genre de production émergé de ce continent, soulagé de l'avoir vu, désireux d'espérer d'en regarder d'autres....mais surtout envoûté, ensorcelé par cette jeune réalisatrice pétri de talent...comme c'était bien une sorcière....un film majeur pour tout un continent et essentiel pour tout passionné de cinéma....

Créée

le 11 juin 2022

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AlMomoSan87

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