Ultime œuvre de Sergio Leone, Il était une fois en Amérique est bien plus qu’un film : c’est un adieu au cinéma, un testament de douze années de travail qui retrace la vie de Noodles, à travers trois âges, la jeunesse, la gloire, et la vieillesse, indissociablement liée à trois amis, à Max, et à son amour impossible pour Deborah.
Sorti dans une version mutilée aux États-Unis (près de deux heures supprimées), le film ne trouvera sa pleine mesure qu’en Europe, où Leone put imposer son montage. Et quel montage ! Rarement le mot « cinéma » n’aura eu autant de sens.
Chaque plan, chaque seconde de pellicule respire la beauté, la précision, l’émotion. L’écriture est simple et toujours juste : personnages, dialogues, trajectoire de vie, tout sonne vrai. Leone y parle de l’amour et de la trahison, de l’amitié et de la loyauté, de la vie telle qu’elle est, traversée par les choix, les regrets et l’amertume.
La relation entre Noodles et Deborah, d’une tendresse naïve dans la jeunesse, devient cruelle avec le temps, miroir d’une passion vouée à se consumer. L’amitié entre Noodles et Max, faite d’admiration et de rivalité, illustre à elle seule toute la complexité des liens humains. Chaque personnage évolue, se nuance, se révèle, jamais figé, toujours profondément humain.
Leone filme avec lenteur et précision, sans rien laisser au hasard. Chaque cadre regorge de détails, chaque regard pèse son poids d’émotion. On se souvient des ruelles de New York, de la fumerie d’opium, du bar de Fat Moe, de la danse de Deborah enfant, autant de moments suspendus entre mélancolie et grâce. Leone disait à James Woods : « À quoi ça servirait de faire du cinéma si c’est pour tout expliquer ? » Cette phrase résume toute sa démarche : laisser au spectateur le soin de rêver, d’interpréter, de ressentir.
La musique d’Ennio Morricone, écrite avant même le tournage, accompagne cette fresque comme une respiration. Leone disait de lui qu’il n’était pas son musicien, mais son scénariste, et ici, cela prend tout son sens.
Robert De Niro livre une performance magistrale, tout en retenue et en douleur. James Woods lui donne la réplique avec intensité, tandis qu’Elizabeth McGovern apporte une fragile lumière. Même les seconds rôles, parfois fugaces, marquent durablement.
Avec Il était une fois en Amérique, Sergio Leone signe un chef-d’œuvre absolu : une œuvre sur le temps, la mémoire, la nostalgie et la perte. Un film sur la vie elle-même, ses blessures, ses beautés, ses illusions. Un adieu bouleversant, où chaque image semble dire : voilà ce que peut être le Cinéma.