Cette adaptation de Balzac incarne ce que peut être la quintessence du cinéma français quand il s'attaque aux classiques de la littérature.
De part sa mise en scène , son cynisme , sa cruauté, sa critique sociale , politique et économique , ses décors, ses dialogues et son interprétation, l'adaptation que nous propose Xavier Giannoli est un véritable tour de force et l'une des plus belles réussites du cinéma français depuis 20 ans !
Avec le sommet de la comédie Humaine de Balzac, il est difficile de faire mieux en terme de contenu et de drame romanesque qu'illusions perdues.
Le film nous emporte dans le tourbillon de l'ascension et la déchéance de Lucien de Rubempré, dans un Paris du 19eme siècle ou se côtoient, s'opposent , se méprisent , et s'allient selon les circonstances, les affairistes, les artistes, l’aristocratie de province ou de palais .
En 2H30 Gianoli réussit à de retranscrire tout cela à l'écran sans une seconde d'ennui.
La multitude des personnages et les différents degrés de lecture de l'oeuvre de Balzac se superposent et s'entremêlent sans qu’ils ne soient difficiles à suivre ou ne s'édulcorent .
Il est aidé en cela par les prestations exceptionnelles de ses acteurs.
Benjamin Voisin porte le film avec aisance.
Vincent Lacoste est incroyable en Lousteau.
Depardieu fait preuve d'une sobriété qu'on ne lui a pas connu depuis des décennies.
Xavier Dolan crève l'écran.
Tous les autres, de Jeanne Balibar, Jean François Stevenin à Cécile de France, sont au diapason grâce à des dialogues extrêmement bien écrits, adaptés et retranscrits.
Au jeu des comparaisons, Illusions perdues est la plus belle adaptation des classiques francais depuis le Cyrano de Bergerac .
On retrouve la cruauté et le cynisme que l'on appréciait dans Ridicule ou les liaisons dangereuses, mais au service d'une meilleure histoire .
Par sa narration et son sujet le film évoque aussi Barry Lyndon.
S'il n'en atteint pas la beauté visuelle et mélancolique, il fait jeu égal sur le fond (critique sociale, dramaturgie ...)
On ne peut pas oublier le Scorcèse de Casino et des Affranchis, dont le mode de narration chorégraphié et porté par une voix Off, se retrouve dans le drame du destin de Lucien de Rubenpré que nous conte Xavier Giannoli.
Que de belles références et de bonnes inspirations !!
Le traitement cinématographique et l'adaptation digne du travail d'orfèvre met en valeur toute l'intemporalité , la modernité, la cruauté et le cynisme de Balzac.