Du réalisme maladroit au mauvais téléfilm

Je ne peux pas dire que je regrette d'avoir payé pour voir "In the Fade". Uniquement attiré par ce fameux prix de l'interprétation à Cannes pour Diane Kruger (que je ne trouve pas particulièrement bonne actrice, la plupart du temps, à part dans certaines scènes du récent "Infiltrator") et une Bande-Annonce plutôt bien troussée, j'ai assisté en temps réel à une histoire de grandeur et décadence que Scorsese n'aurait pas reniée. Sauf qu'ici, il ne s'agit pas du contenu du film mais du film lui-même...


Ça commençait pourtant bien. Même le procédé éculé de la caméra à l'épaule pour inscrire le film dans la tendance "indé" est bien contrebalancé par le jeu d'acteur irréprochable et une science certaine du rythme. De plus, l'éclairage est superbe. Les situations sont fortes, bien mises en scène, et la volonté de réalisme à tout prix n'est pas encore gâchée par le pathos et les poncifs caractéristiques lorsque l'on s'attaque à la thématique du deuil.
Malheureusement, on voit bien vite pointer les nuages menaçants du cliché et de la banalité : Le drame (la mort du mari et de l'enfant de l'héroïne lors d'un attentat à la bombe) donnent lieu à la spirale drogues/conflits familiaux/tentatives de suicide...et l'apparition de "scènes chocs" assez malvenues. Par exemple, ce plan poseur sur la baignoire ensanglantée, très esthétique, rompt totalement avec l'intention naturaliste initiale.
Le deuxième acte du long-métrage, consacré au procès des responsables potentiels de l'attaque, ravive un peu notre intérêt, encore une fois grâce à une science de la mise en scène et de la direction d'acteurs, malgré le caractère assez répétitif des séquences. Certaines tirades sont réellement bouleversantes.
Et là...c'est le drame. Fatih Akin avait-il égaré le script ? A-t-il voulu mettre fin au tournage de manière précipitée? En avait-il juste marre?
Ce troisième acte, celui de la "vengeance", enchaîne incohérence sur incohérence, cliché sur cliché. C'est bien simple: rien ne tient la route. Le développement psychologique de la protagoniste semble avoir été jeté à la poubelle tant son comportement ne fait pas sens, et je ne parle même pas des "bad guys", dignes de méchants d'un mauvais feuilleton, qui exposent leurs méfaits de manière biiiien explicite, histoire qu'on se dise "haaaan, mais c'était bien eux les méchaaaants !". La "traque" est tout simplement hilarante de simplicité et de grossièreté. Les situations s'enchaînent comme s'il était acquis que le spectateur avait perdu toute réflexion et sens critique en l'espace de 15 minutes.
Je ne spoilerai pas la fin mais bordel... Dîtes vous juste que la relation que le spectateur avait noué avec les personnages pendant les deux premiers actes se trouve totalement balayée. On a envie de rire ou de pleurer, on sait pas trop...


Ceci-dit, comme je l'ai dit en ouverture, je ne regrette pas d'avoir vu ce film. Si "In the Fade" ne tient pas la route en tant que long-métrage, il propose cependant de vrais moments de bravoure, et Diane Kruger méritait certainement son prix, tant sa performance est bluffante.

Mr_Step
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le 13 févr. 2018

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