Deux ans après avoir signé Stargate la Porte des étoiles, ambitieux space opera à tendance pseudo-historique récompensé d'un joli succès public, Roland Emmerich livra en 1996 Independence Day, inexplicable carton planétaire dont l'indigence évidente laisse aujourd'hui les nouvelles générations de spectateurs pantois. Autant le dire tout de suite j'ai abhorré ce film dès mon premier visionnage au cinéma, horrifié par l'injure transpirant de chacun de ses photogrammes. Pourquoi ? Pour sa démagogie et son patriotisme puants, pour ses poncifs et ses personnages caricaturaux, pour son scénario paresseux qui tout en alignant les facilités narratives avec un cynisme déconcertant (Smith qui assomme un alien d'une seule droite, les héros qui pénètrent puis piratent sans grand problème le vaisseau-mère des envahisseurs) pillait sans vergogne Spielberg (parangon ultime d'Emmerich), le cinéma catastrophe, H.G. Wells, la série V (les vaisseaux stationnaires au-dessus des villes), Star Wars (la bataille dans les tranchées), Terminator 2 (pour les visions de Sarah Connor du Jugement dernier) et Les Soucoupes volantes attaquent. Car Emmerich et son pote Devlin n'avaient visiblement pas la moindre ambition de renouveler le genre de la science-fiction, ils se servaient ici simplement du vieil argument de l'invasion alien pour livrer un métrage propagandiste dont le propos paternaliste (l'Amérique réunit toutes les nations sous son égide et sauve à elle-seule le monde) s'est vu inexplicablement récompensé de près d'un milliard de dollars de recettes à travers le monde.


Il faut d'ailleurs souligner que le film d'Emmerich ne fut à l'origine qu'une commande opportuniste de la Fox, désireuse de faire un pied de nez au film Mars Attacks produit par la Warner. Initiée bien après celle du film de Burton, la production d'ID4 fut pliée en moins d'un an pour une sortie anniversaire le jour de la fête nationale américaine, c'est vous dire à quel point le film fut odieusement torché et calibré de manière à satisfaire le plus large public (le chien bordel, Emmerich le sauve là où Burton se fera un plaisir de le désintégrer). D'où le degré ahurissant de bêtise d'une bande surfriquée de plus de deux heures qui aligne à un rythme ennuyeux toute une pléthore de passages obligés (la mort inévitable du meilleur pote du héros, le discours galvanisant du président du mond... des Etats-Unis, ce dernier célébré comme le messie, le sacrifice de l'ivrogne héroïque) à peine rehaussés par quelques maigres idées de mise en scène (l'arrivée des soucoupes dans un ciel embrasé annonçant une apocalypse biblique) et des SFX qui s'ils étaient relativement impressionnants en 96 (toute la promotion du film s'est d'ailleurs faite sur ceux-ci), sont aujourd'hui largement périmés.


Evacué de toute forme de subversion et de créativité, préparé de manière à engranger le plus de fric possible, cette apocalypse planétaire cinématographique tend définitivement à se foutre de la gueule des spectateurs les moins exigeants en ne montrant pas un seul cadavre à l'écran alors que le bodycount suggéré est quand même de plusieurs milliards d'individus. En niant toute forme de violence à l'écran, Emmerich finit par saborder lui-même tous les enjeux de son script et à trahir la nature opportuniste du projet. Et que dire au sujet de la misogynie flagrante d'un scénario qui relègue de manière honteuse les trois protagonistes féminins à de vulgaires faire-valoir quand il célèbre en grande pompe le retour de ses héros partis cigares en poche, éradiquer la menace dans l'espace ?


Je persiste à penser depuis vingt ans qu'Independence Day est un très mauvais film, un spectacle racoleur virant rapidement à l'auto-parodie et qui me conforte dans l'idée que Spielberg et Cameron restaient alors les seuls cinéastes dans le domaine du cinéma-spectacle capables de vous éblouir sur votre siège tout en ayant la politesse de ne jamais vous prendre pour un imbécile. Je peux donc déjà vous dire que je n'ai aucune envie de voir sa suite, d'autant que les critiques américaines l'ont généreusement laminés (un exploit pour un cinéaste pro-américain comme Emmerich). Non, cette invasion alien-là je la laisse volontiers aux autres et sans regret, Emmerich et Devlin m'ont déjà arnaqués une fois, cela m'a suffit. Et puis j'avais 14 ans...

Créée

le 4 juil. 2016

Critique lue 584 fois

19 j'aime

9 commentaires

Buddy_Noone

Écrit par

Critique lue 584 fois

19
9

D'autres avis sur Independence Day

Independence Day
Grard-Rocher
1

Critique de Independence Day par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Un beau matin, les citoyens américains se réveillent et constatent que le ciel est envahi par une énorme soucoupe volante. Ce qu'ils ne savent pas, c'est que celle-ci libère des engins plus petits...

56 j'aime

19

Independence Day
MrShuffle
4

Woody Allen contre les martiens

Cet article présentant le supposé film catastrophe réalisé par Roland Emmerich et produit par Dean Devlin, sorti en 1996 et s'appelant ID4, a pour but de réparer une injustice et de rendre ses...

le 5 août 2010

49 j'aime

6

Independence Day
SanFelice
6

De la menace au ridicule

il y a deux films dans Independence Day. Le premier me reste sympathique. Une fois passée l'incontournable présentation de personnages d'une banalité affligeante, où on tente de nous faire croire...

le 20 oct. 2015

43 j'aime

8

Du même critique

Les Fils de l'homme
Buddy_Noone
9

La balade de Théo

Novembre 2027. L'humanité agonise, aucune naissance n'a eu lieu depuis 18 ans. Pas l'ombre d'un seul enfant dans le monde. Tandis que le cadet de l'humanité vient d'être assassiné et que le monde...

le 18 juil. 2014

92 j'aime

6

Jurassic World
Buddy_Noone
4

Ingen-Yutani

En 1993, sortait avec le succès que l'on sait le premier opus de la franchise Jurassic Park. En combinant les différentes techniques de SFX et en poussant à leur paroxysme des images de synthèse...

le 16 juin 2015

84 j'aime

32