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Je suis conscient qu’avoir découvert The Departed avant Infernal Affairs est susceptible de créer un biais en faveur du premier, que j’ai d’ailleurs revu maintes fois. Le scénario perd de sa surprise, puisque à l’identique outre le final, et la familiarité de la culture américaine tend à poser des repères plus solides que l’exotisme Hong Kongais. Mais c’est en connaissance de cause, et après un second regard sur le film de Andrew Lau et Alan Mak, que je continue à favoriser la relecture de Scorsese, plus maîtrisée à mes yeux. L’inévitable comparaison faite, venons en aux faits.


Infernal Affairs s’appuie sur un scénario high concept solidement ficelé, qui de par sa nature même est propice à une tension de tous les instants. Bien que le spectateur soit au fait de l’identité des taupes, l’une au sein des forces de police, l’autre dans les rangs des triades, il est avant tout en attente de l’inéluctable collision entre les deux tunnels dans lesquels celle-ci creusent à l’aveugle. Le fatum est en marche, et se finit forcément tragiquement pour l’un des deux protagonistes. Une fin noire est annoncée, et le film s’y tiendra (contrairement à la version de Marty qui ajoute une touche de satisfaction pour l’audience).


Andy Lau et Tony Leung forment un duo mémorable, avec des jeux tout en nuances, et les seconds rôles sont tout aussi incarnés (Anthony Wong en tête). La bande-son, qui rappelle à certains moments le Kashmir de Led Zeppelin, participe à une expérience plus sensorielle du récit que celle de Scorsese, où les Dropkick Murphys ancrent l’idée de la ville de Boston comme une entité à part entière. Ici, Hong Kong est présente dans tous les plans, qui utilisent la densité de la mégalopole comme moyen d’écrasement de ses personnages, les faisant disparaître dans la masse grouillante. Les seuls moments de respiration, de calme avant la tempête, se déroulent d’ailleurs en surplomb de la ville bourdonnante, sur des toits. Mais même là, les infiltrés sont encagés entre des tours de verre, tant de miroirs qui, s’ils ne sont pas finaud symboliquement (la duplicité par les reflets, c’est aussi vieux que le cinéma), sont esthétiquement réussis.


Mais trêve d’éloge, car Infernal Affairs est alourdi par quelques choix douteux. On a quelques flashbacks malheureux qui viennent rappeler au spectateur ce qui s’est passé vingt minutes plus tôt, comme s’il était trop bête pour se remémorer les événements dans un film qui affiche 1h40 au compteur. A contrario, les ellipses ne sont jamais annoncées, quand bien même on change le casting, ce qui engendre parfois un doute sur ce que l’on est en train de regarder pendant les quelques minutes qu’il faudra pour comprendre le saut temporel. Des défauts structurels préjudiciables, et que l’on comprend mieux quand on voit l’interview du scénariste Felix Chong. Le mec est imbuvable, se vantant d’avoir écrit le script en cinq jours, crachant sur la version de Marty en la qualifiant de navet qui ne fait pas le poids face à son œuvre géniale, et se compare aux frères Coen. Quand on voit la filmographie du type hors de la trilogie débutée ici, on est en droit de se demander si on a pas à faire à un branque qui a eu un coup de bol.


Toujours est-il que le métrage est un polar efficace, doté d’une personnalité singulière. A se balader sur les fiches des trois films, il apparaît évident que les deux volets suivants sont tout aussi légitimes que celui-ci, chaque spectateur ayant son épisode favori. Il va donc sans dire que je ne tarderai pas à jeter un œil à tout ça.


Frakkazak

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