La projection du film au festival de Cannes avait dissipé bon nombres de rumeurs.
En effet il fut un temps ou pour le casting on parlait, en plus de Brad Pitt, de Bruce Willis, Stallone, Samuel Jackson et d'Ennio Morricone à la BO, ce qui n'est finalement pas le cas.
Le sujet du film, initialement présenté par Tarantino comme un remake des 12 salopards et d'un obscur film italien avec un zest de Le bon la brute et le truand, nous laissait présager un film de baroudeurs virils et violent boosté par la patte du maître. Au final ce n'est pas le cas non plus.

Depuis Cannes, où malgré un accueil mitigé, le film partait avec le prix de l'interprétation masculine, on ne savait plus trop quoi attendre, penser ou croire du nouveau film de Quentin Tarantino. De plus, les bandes annonces conjuguées aux réactions contrastées de la presse ne faisaient qu'accentuer ce trouble et l'appréhension que l'on avait dans l'attente de ce fameux 19 août. Malgré tout on espérait vivement qu'Inglorious Basterds ne serait pas en dessous de la réputation de son auteur et qu'on allait pour la 7eme fois se prendre une claque Tarantinienne.
Si le propre de l'artiste est de surprendre, Quentin Tarantino confirme avec Inglorious Basterds qu'il est un grand artiste. Le film est un ovni !!!! On peut en penser à peu prêt tout et son contraire. En effet, Tarantino va à l'opposé de ce qu'on serait en droit d'attendre de lui.

Contrairement à ce qu'auraient fait 99 % des réalisateurs il se précipite la tête la première dans les pires clichés, en de dédouanant totalement de toute crédibilité et réalité historique et en caricaturant à l'excès les situations les plus improbables pour créer un univers qui lui est propre. Si l'on n'adhère pas à cet univers, il faut passer son chemin. Dans le cas contraire, on s'aperçoit très vite que Tarantino reste fidèle à sa marque de fabrique et son style.
En effet, si la "coolitude funky 70's" omniprésente dans tous ses films jusqu'alors est assez logiquement mise entre parenthèse puisqu'il s'agit d'un film d'époque, tout le reste de la panoplie tarantinienne est bien présente.
On retrouve cette manière à contre courant de ce qui se fait actuellement de prendre son temps pour présenter chacun des personnages à travers de longs dialogues jubilatoires partant dans tous les sens.
On retrouve sa maitrise visuelle qui fait alterner des scènes assez lentes et statiques avec des montages rapides et explosif ou des ralentis stylisé des que l'action prend le dessus. Du coup clairement celle-ci en ressort renforcée.
La musique est toujours utilisée avec maestria et apporte de l'emphase au moment ou il faut.
La direction des acteurs est comme à l'accoutumée proche de la perfection.
Encore une fois, plusieurs histoires sont racontées en parallèle avant de s'imbriquer les unes aux autres.
Le second degré et l'humour décalé et politiquement incorrect sont bel est bien là.
Les clins d'œil cinématographiques sont omniprésents et de tous les plans.
Sa fascination pour les gros plans sur les pieds féminins est encore présente dans ce nouvel opus.
En quoi Inglorious Basterds est il surprenant et iconoclaste allez vous me dire ?

Cela étant acquit, comment pouvons-nous décrire Inglorious Basterds ?
Il s'agit d'un patchwork d'influences mixant To be or not to be de Lubitch, La grande vadrouille de Gerard Oury, Papy fait de la résistance, Il était une fois dans l'Ouest, Le bon la brute et le truand, Les 12 salopards en passant par Le dictateur de Chaplin, Le dernier métro de Truffaut, Star wars, OSS 117 version Dujardin, La grande illusion de Renoir, les films des Monthy Python ainsi que pléthore de films de guerres et de westerns hollywoodiens des années 50.
Le scénario met en scène un officier SS dont le raffinement aristocratique sorti d'un livre d'oscar Wilde contraste avec le zèle sadique avec lequel il traque les juifs dans une France sortie d'une image d'Epinal revisité par Marvel.
En parallèle, on retrouve un commando de chasseurs de nazi mené par un officier qui pourrait être la transposition américaine du frenchy OSS 117 de Jean Dujardin en plus trash.
En outre, on croise aussi une directrice de cinéma avec soif de vengeance, une actrice allemande agent double, un héros de guerre voulant se reconvertir dans la comédie, un espion anglais, un soldat allemand père de famille, Churchill, Gobbles, Hitler...
Tout ce beau monde se retrouve impliqué dans une histoire de vengeance et un complot visant à mettre fin à la deuxième guerre mondiale.

Tout cela donne un film iconoclaste et totalement surprenant.
Au-delà de la qualité de la mise en scène, il faut souligner l'interprétation délirante de Brad Pitt qui nous montre une fois de plus après Snatch et Burn after reading qu'il est particulièrement bon et irrésistible quand il casse son image dans un contre emploi.
Christoph Waltz a reçu le prix d'interprétation masculine pour son rôle du Colonel Hans Landa qui est l'archétype du méchant que l'on aime détester. Impressionnant, intelligent, raffiné, sadique, sans pitié, opportuniste mais aussi très drôle, ce personnage devrait offrir à l'acteur une multitude de propositions. On le verrait bien en méchant dans un James Bond.
La digestion de tout cela donne au final un objet non identifié qui penche d'avantage du coté de la comédie burlesque, du pastiche surréaliste que de la relecture du film de guerre. Inglorious Basterds pourrait bien être à tarantino ce que Docteur Follamour est à Stanley Kubrick.
Avec la dernière phrase prononcée dans son film "Je crois que celui-ci est mon chef d'œuvre", Tarantino provoque son public une fois de plus et nous montre qu'il assume pleinement son film et son coté décalé et les critiques qu'il va subir en leur faisant un gros bras d'honneur.

Tarantino nous prouve une fois de plus qu'il est un punk surdoué qui n'a peur de rien et dont l'œuvre dans sa globalité est l'une des plus singulières de l'histoire du Cinéma. Il est le seul à savoir faire du Tarantino comme Leone était le seul à savoir faire du Leone.

Inglorious Basterds est il son meilleur film ? Je ne pense pas qu'il faille se poser la question sous cet angle. On est en droit de lui préférer (ou pas) Pulp Fiction, Death proof ou Jacquie Brown.
Il faut plutôt se demander : Est-ce qu'Inglorious Basterds est un film de Quentin Tarantino ? Dans ce cas la réponse est un grand oui avec tout ce que cela comporte.

Quelle note peut on du coup donner à ce film ? Si on n'adhère pas au postulat de départ et qu'on est insensible au second degré, on ne peut pas apprécier le film qui peut paraitre alors abscons voir inutile. Toutefois on est dans l'obligation de mettre au moins un point pour la qualité de l'interprétation voire un autre pour la mise en scène.
En revanche, si on donne la prime à l'anti-conformisme, à la prise de risque, que l'on est prêt à rentrer dans l'univers déjanté de son auteur et à partager son goût pour le second degré et à accepter Inglorious Basterds comme étant un film burlesque par Tarantino, le film vaut son 8/10
ldekerdrel

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