Avec des favoris pareils, Wolverine est un petit joueur, tout petit

Je crois que même ceux qui n'ont vu que la bande-annonce l'ont compris : Inhérent Vice est un film sur la drogue, avec des drogués, des hippies, des mafieux camés, des flics sous dopes etc. La drogue, partout, tout le temps. Sauf que si on parle de hippies, on est presque forcément dans les années 70.
Voici donc le cadre : les seventies, la dope, les hippies, le sexe omniprésent et un hippie qui passe son temps à planer pour mieux faire son travail de détective privé dans un cabinet médical : j'ai nommé Doc. Oui oui, un privé qui exerce dans un cabinet médical. Ah mais attendez, c'est que le début ! S'ensuit un histoire complexe, bien trop complexe pour être résumée en quelques lignes. C'est pourquoi je vais pointer trois choses qui m'ont marquées et qui sont révélatrices des défauts de ce film :


1: la drogue, c'est pas pour le(s) scénariste(s) normalement. Mais là.... l'enchaînement des situations soit rocambolesques, soit profondément ridicules font ressortir un aspect du film : c'est drôle ! Mais l'aspect presque burlesque, ce n'est qu'au début, quand on est fraîchement entré dans le film. A la fin, on ne sait pas trop si ce que l'on vient de voir est véritable, si c'est un gros trip sous herbe, si seulement certains moments du film sont irréels... Bref, c'est confus : la raison de toute l'histoire, l'ex du Doc, Shasta, qui devrait être une des seules clés de certitude du réel est elle aussi balayée par le plan final. Et un film qui montre que son leitmotiv est sans doute dû à un bon vieil acide bien puissant, c'est comme se tirer une balle dans le pied : d'abord ça fait très mal, et ensuite, c'est un peu dommage.


2 : l'esthétique du film. On ne peut pas ne pas en parler. Points positifs : l'univers des années 70 est très bien rendu selon moi : voitures d'époques, costumes. Les costumes sont vraiment à mourir de rire parfois, sans parler des coiffures du Doc et de ses monstrueux favoris que Wolverine en passerait presque pour un efféminé. La musique également, est présente dans tout les plans, parfois uniquement en fond pour accompagner, ou tout simplement pleine bourre pour mieux rendre l'impression du trip (sauf dans un seul et unique plan sans musique, j'y reviendrais).
Points négatifs : dans steadycam, il y a steady, c'est pas juste pour faire joli, ça a un sens. Quand la plupart des plans filmés de cette manière vous font osciller (comme la caméra) entre le film amateur dégeu et le plan parfaitement fluide, ça donne des mises au point maladroites, des cadrages aléatoires, bref, c'est pas jojo niveau chef op'.


3 : le seul plan-séquence du film. Ce plan est une scène de sexe, la seule qui n'est pas hors-champ en 2H40, le seul plan qui n'a aucune musique dans l'ensemble du film. Je ne sais pas si c'est l'effet Birdman de la semaine passée, mais mon exigence en terme de plan-séquence est soudainement devenue élevée, et là, c'est la catastrophe. Ce plan n'a aucun sens : le code pour une scène montrant un trip, c'est la musique; chaque scène de sexe (et il y en a plusieurs) se passent toutes hors-champ; les gros plans sont assez absents, sauf ici pour montrer l'arrivée de Sashta face caméra au niveau de l'entrejambe; et d'un seul coup, l'ex du Doc se retrouve dans le plus simple appareil, sous une lumière blafarde et médicale, sans musique, sans rien. Et le déroutant de l'histoire n'est pas tellement le plan en lui même que son insertion dans la trame du film : aucune clé de lecture n'est donnée pour savoir pourquoi ce plan-séquence intervient à ce moment précis, pourquoi il est sans musique etc. Et c'est ainsi que l'on touche au plus gros des défauts du film : quel est le sens de tout ça et est-ce que ça en a vraiment un ?


Résumé : Inhérent Vice est un film intéressant dans sa manière de dépeindre une époque avec toute sa perversion (l'alcool, la drogue, le sexe, l'argent, le racisme). Mais c'est une trame trop complexe qui nous est présentée, qui nous force à nous poser des questions de fond sur le film et qui nous conduit à dénombrer ses failles, que l'on remarque immanquablement plus que le reste.

Xavier_Petit
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le 15 mars 2015

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Xavier Petit

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