Femme. Hommes.
Prénom Insiang. Monstres abstraits.
Joli soleil trompeur. Déserts, vains pâturages.
Enfant sauvage, belle-dame. Rapaces, reptiles ou fauves,
Dans un dédale nommé Manille. Tous aveuglés par cet arôme.
Où brillent les flambeaux des gangs. Qui, doux, solaire, embuent leurs adages.
D’une étincelle grimant le souffre en candeur. Un brasier noir dévore d’épouvante une famille. Ils sont de misérables Icare, faisant naufrage. Auprès d’un idéal de tempête aux vagues mauves.


Dans une montée lente et éprouvante, Lino Brocka installe comme un malaise enchanteur. Par un crescendo sinueux, il nous fait voir le vice qui, se camouflant sous de multiples facettes, s’insinue partout. La tentation. L’envie. L’orgueil. La jalousie. Toutes ces tares s’immiscent dans les relations de la jeune et splendide Insiang et empoisonnent sa famille, ses amies, son amour. Et son environnement qui devient une oppression constante. Que ce soit dans les rues où jonchent détritus et épaves, dans son domicile telle une cage ou encore face à l’étroitesse des chemins qu’elle emprunte ; elle se perd.


Ainsi, la misère encadre de bois et d’épines cette torture que peut être parfois le quotidien. Elle est à la source du film. Son cœur même. Elle s’incarne dans la figure d’Insiang, dans ses traits, dans ses expressions, dans ses gestes, dans ses regards. Elle est ce qui nuance le tragique et ce qui dissout le comique. Elle est ce que l’on rejette et ce qui nous absorbe. Elle n’a jamais le même visage mais toujours le même profil.


La misère est une plainte muette.


Insiang est martyre de sa beauté.
Insiang est une rose née sans épines.
Insiang est l’objet du regard des autres.
Insiang est une sainte vierge aux yeux noirs.
Insiang est la quintessence de l’innocence violée.
Insiang est le visage de la misère, éclairé de pudeur.
Insiang est un regard perçant l’ombre de son éclat de feu.
Insiang est une larme de sang tombant dans un océan d’affects.
Insiang est comme un contrepoint unique dans une partition inachevée.
Insiang est une vérité à qui l’on a fait croire que le mensonge était sa vraie nature.
Insiang est la colère ayant trouvé dans la souffrance de ses tortionnaires la clef de son entrave.
Insiang est une force de la nature, qui par un besoin d’affranchissement, boit le calice jusqu’à la lie.

Manco_El_Guións
6

Créée

le 18 déc. 2016

Critique lue 358 fois

1 j'aime

2 commentaires

Manco

Écrit par

Critique lue 358 fois

1
2

D'autres avis sur Insiang

Insiang
Boubakar
9

Affreuses, sales et méchantes.

Considéré, avec Manilla, comme LE film philippin par excellence, Insiang est ce que j'appelle un film magnifique, supérieur au premier, et qui est un bouleversant portrait de femme. On pense aussi au...

le 21 févr. 2019

6 j'aime

Insiang
zardoz6704
8

Un coeur gagné par le venin

La mère d'Insiang, Torya, vend du poisson sur le marché de Manille et peine à joindre les deux bouts depuis que le père les a abandonnés. Elle saisit un prétexte pour mettre dehors ses neveux qui...

le 12 juil. 2016

3 j'aime

Insiang
Heobar
10

Critique de Insiang par Heobar

La semaine dernière, j'ai vu Insiang de Lino Brocka, sorti en 1976. Insiang est une jeune fille douce et jolie dans les bidonvilles de Manille, et elle est de fait l'objet des attentions masculines...

le 22 janv. 2020

2 j'aime

Du même critique

La Randonnée
Manco_El_Guións
8

Pensées sauvages

L’une est brune. L’autre est brun. Entre eux, un petit garçon blond. C’est un trio de circonstances. Amateurs de paysages où la grandeur se mêle à l’inhospitalier, vos yeux seront graciés. Aux...

le 9 sept. 2017

2 j'aime

La Minute nécessaire de monsieur Cyclopède
Manco_El_Guións
8

Interrogeons la réelle nécessité de la minute de monsieur Cyclopède

Dans les années 80, le paysage audiovisuel se métamorphose. L’élection de François Mitterrand a la présidentielle en 1981 aboutit à la nomination de nouveaux personnages a la tête des sociétés...

le 27 févr. 2017

2 j'aime