Avant de passer derrière la caméra, Amber Sealey a fait ses armes comme comédienne. Mais c’est probablement dans l’écriture des personnages qu’elle tombe finalement sous le charme. Après « A plus D », « How to cheat » et « No Light and No Land Anywhere », la réalisatrice se tourne vers l’un des boogeymen les plus mythiques des Etats-Unis, durant les années 70. Si son procès ou ses meurtres ont récemment été mis en boîte pour approfondir le portrait du personnage, Sealey tente le coup avec un face-à-face très séduisant, où un jeu de séduction devient un enjeu majeur pour les démarches de profilage à venir. Les nombreux échanges reportés dans cette œuvre ont déjà pu inspirer des piliers du genre, comme « Mindhunter » pour la série ou encore « Le Silence des Agneaux » pour le cinéma.


Rien qu’à l’appellation de son nom, Ted Bundy (Luke Kirby) n’est plus à présenter. Et il ne faudra pas bien longtemps avant de faire le point sur son monstrueux tableau de chasse, qui le condamne forcément à la peine capitale. Ce qui nous intéresse ici, motive également le jeune agent du FBI, Bill Hagmaier (Elijah Wood). Il a sans doute tout à prouver à sa hiérarchie, mais c’est pourtant à l’aide d’une grande sensibilité qu’il parviendra à désarmer celui qui tente de repousser la décision radicale de l’État. En essayant de s’apprivoiser mutuellement, ils se découvrent une connexion, qui en dit long sur le profil psychiatrique du condamné, qui met le doigt sur une réalité difficile à digérer. Sa folie n’est pas seulement remise en cause, c’est toute une tendance sociale et morale qui interpelle le spectateur, venu chercher des réponses.


Nous n’apprendrons rien de plus que ce que d’autres ont déjà illustrés dans de documentaires ou autres fictions, qui diabolisent le meurtrier. L’approche de Sealey réside alors dans quelque chose de plus sensoriel, que l’on cherche à atteindre par la seule force de la persuasion. C’est toute la problématique du récit qui se dégage de cet échange qui, pendant plusieurs années, aura identifié les maux d’un Bundy, sous les traits d’un monsieur tout le monde. L’idée est effrayante, sachant que la performance de son interprète donne un cachet viscéral à l’intrigue. Et petit à petit, nous tournons autour de cette question, qui fascine l’enquêteur, qui dévoile également des failles dans son parcours professionnel et privé. Une discussion autour de la capacité à commettre un acte violent a de quoi dérouté, mais maintient la tension et la réflexion à un niveau qui seront ensuite mises de côté pour une ultime confidence.


Les victimes ne sont pas mises en sourdine et existent dans un imaginaire collectif, rendu possible par la surmédiatisation du procès et à l’approche du couloir de la mort. « No Man Of God » n’est pas seulement présent pour faire un état des lieux sur la démarche d’un tueur en série. La cinéaste n’a pas l’ambition ni le confort de rendre ces entretiens plus romancés qu’ils ne pourraient déjà l’être. Au contraire, elle préfère laisser les pulsions planer sur le côté off des enregistrements, où elle peut enfin livrer les nuances les plus sombres de l’humanité, qu’elle soit menottée ou évangéliste.

Cinememories
6
Écrit par

Créée

le 27 avr. 2022

Critique lue 261 fois

1 j'aime

Cinememories

Écrit par

Critique lue 261 fois

1

D'autres avis sur Inside Ted : Dans la tête du serial killer

Inside Ted : Dans la tête du serial killer
OlivierAntoine1
5

Critique de Inside Ted : Dans la tête du serial killer par Olivier Antoine

J'aurais aimé lui mettre plus car parvenir à faire tenir 1h40 de film essentiellement sur des séquences de dialogues en huis-clos, pas évident, or le film y parvient sans difficulté grâce au...

le 20 févr. 2022

1 j'aime

1

Du même critique

Buzz l'Éclair
Cinememories
3

Vers l’ennui et pas plus loin

Un ranger de l’espace montre le bout de ses ailes et ce n’est pourtant pas un jouet. Ce sera d’ailleurs le premier message en ouverture, comme pour éviter toute confusion chez le spectateur,...

le 19 juin 2022

22 j'aime

4

Solo - A Star Wars Story
Cinememories
6

Shot First !

Avec une production et une réalisation bousculée par la grande firme que l’on ne citera plus, le second spin-off de la saga Star Wars peut encore espérer mieux. Cela ne veut pas dire pour autant que...

le 23 mai 2018

19 j'aime

2