Interstellar, ou le film ultime de l'humanité

Interstellar commence par un plan tout simple. La caméra navigue lentement sur les bords d'une étagère. On y découvre une maquette de navette. Sans trop en faire, Christopher Nolan pose le thème devant les yeux du spectateur, aussi délicatement que cette poussière qui vient recouvrir cette maquette. Cette poussière qui recouvre les meubles, les voitures, les vêtements mais qui surtout a recouvert depuis bien longtemps les derniers rêves de l'humanité. Plus le temps de tourner les yeux vers les étoiles, c'est bel et bien le visage baissé, fixant cette terre qui les rejète, que l'homme navigue vers ses derniers instants.


C'est sur cette Terre devenu hostile que l'on arrive pour découvrir cette cellule familiale que n'aurait pas renier Spielberg. Matthew Mconaughey campe ici un père de deux enfants incarnés par Mackenzie Foy et Thimothée Chalamet. C'est ici la première prouesse du film. Arriver à faire sentir à ce point l'amour d'un père envers ses enfants, que l'on sent dès le début plus proche de sa fille, la rêveuse, celle qui a la tête tournée vers le haut, digne héritière de son père, ancien ingénieur aérospatiale qui devient cultivateur pour la seule nécessité de survivre. Les regards échangés, comme cette scène où la jeune Murphy arrive à passer une vitesse ou ces gestes envers Tom, le fils, témoignent d'une envie de montrer un amour pur, un amour simple.


Cette amour d'un père envers ses enfants trouve une résonance impressionnante dans cette scène où le trio poursuit un drone. La musique de Hans Zimmer se mélange une fois de plus avec brio dans la réalisation de Nolan. La caméra prend de la hauteur et suit cette voiture conduite à toute allure à la poursuite de ce drone au travers des champs de maïs, mais aussi et surtout à la poursuite de cette humanité, de ces rêves que les hommes ont laissés tombés. En cette instant, le trio ne forme plus qu'un, comme si tout le reste ne comptait plus, comme si dans ce véhicule résidait les dernier vestiges de ce qui fait de nous des êtres humains.


La seconde prouesse du film et certainement la plus impressionnante est d'arriver à amener cette amour dans l'espace, lieu dénué de toute vie par excellence et de tout sentiment. Et pourtant, au travers du personnage de Brand joué par la très juste Anne Hathaway, l'amour arrive une fois de plus à percer la noirceur de ce lieu sans vie. Différemment, mais tout en gardant cette pointe de naïveté souvent décriée mais pourtant primordiale, sans laquelle l'on ne pourrait vivre.


L'Espace est aussi rendu beau. Inquiétant mais beau, car cachant au fond de lui le dernier espoir de l'humanité. Nolan ne réinvente pas le film d'Espace, mais il le transcende, l'amenant aussi loin qu'il peut et surtout aussi loin qu'il veut. Le réalisateur a toujours été un homme entier et c'est encore plus criant ici. Pas de compromis sur la nature de cette environnement, c'est au travers de dialogues très scientifiques que le metteur en scène balade son spectateur. Et cela fait du bien de ne pas être prit pour un idiot, de ne pas avoir toutes les réponses et parfois, de se sentir aussi perdu que ces hommes et femmes le sont là-haut.


Bien sûr le film n'est pas exempt de défaut, le départ de Cooper pour sa mission étant un peu rapide et manquant de préparation. Mais que ce soit sur Terre ou dans l'espace le réalisateur touche à chaque fois au but, se montrant merveilleusement humain comme dans cette scène où Cooper découvre en video ses enfants, 23 ans plus tard, ou dans le regard perdu, profondément bouleversant, de ce coéquipier laisser des années dans l'Espace pendant qu'un autre groupe part explorer une planète. Et ici, sans artifice, avec pour seul accompagnement la douce et simple musique de Zimmer, le regard de Brand envers cette homme, rescapé d'un temps passé différemment pour lui, fait prendre conscience en un seul instant de l'importance de ce film pour le cinéma mais aussi et surtout pour l'humain. Car dans ce regard de pure compassion et de respect infini entre deux êtres humains se cache certainement la clef de ce qui fera notre sauvegarde. Pas la richesse, pas les possessions mais simplement l'amour. Qu'il émane d'un père pour son enfant, d'un mari pour sa femme ou de quiconque envers les choses de ce monde ou d'un autre.


C'est ici que Nolan est le plus impressionnant, dans cette envie de montrer l'amour dans ce qu'il a de plus pure, de plus vitale. Dans cette proposition de cinéma et de sentiments sans compromis, il touche au coeur de notre humanité et laisse son film guidé par le seul fil conducteur de la tendresse. La clef du film est même donné assez vite, le personnage de Brand est amoureuse et veut suivre cette amour sur la dernière planète. C'est aussi le seul amour de Cooper qui lui permettra de traverser les dimensions pour délivrer la solution de la sauvegarde de l'humanité et lui permettre de regarder une dernière fois sa fille. Mais c'est surtout dans cette vision finale , dans ce personnage de Brand que se cache la dernière prouesse du film. Car là, dans cette dernière scène , il n'est pas de plus belle chose que de voir le visage de cette femme, bercé par ce nouveau soleil, prendre conscience que la seule solution pour l'humanité était de suivre la plus belle chose au monde : l'amour.

Guinness60
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le 3 févr. 2017

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