Pas grand chose. Je ne savais pas grand chose sur Interstellar à part le minimum essentiel. J’ai tout évité : teaser, trailer, extraits, commentaires, premières critiques… Je voulais tout simplement le découvrir, et être surpris à chaque séquence. Etre emporté. Bon OK, j’avais lu le synopsis de deux lignes qui en disait long, et puis j’avais jeté un œil sur le casting cinq étoiles que Nolan avait concocté : Mc Conaughey auréolé de son oscar, la classieuse Jessica Chastain (veux tu m’épouser ?), et la toujours impeccable Anne Hattaway.


Le 31 octobre 2014 n’est pas l’heure d’Halloween pour moi, mais bien une promesse de rencontre avec les étoiles lors de l’avant première au Grand Rex d’Interstellar en compagnie de Christopher Nolan et du True Detective. Rien que ça, ça valait le coup. Ils présentent brièvement le film, ainsi que leurs motivations autour du projet. Ce n’est pas la folie, mais rien que ça, ça valait le coup d’œil : je les aurais vus au moins une fois dans ma vie. Premier constat après cette introduction : la salle est quand même un peu pourrie. Sièges en carton, trop grande, chaleur ambiante pas super agréable. Ces prochaines 2h48 de métrage vont être bien sympathique. Second constat : le film est projeté sur le minuscule écran du bas. Une hérésie pour une salle de cette envergure… Du coup mater un film en plongée, c’est quand même pas du tout le top. Bref, les lumières s’éteignent, le score de Hans Zimmer commence.


Et qu’en est-il après quasiment trois heures de voyage ? Aller je tue le suspens, Interstellar est un bon film. Tout simplement parce que je ne me suis pas ennuyé pendant tout ce temps. Ça fait clairement plaisir de voir quelqu’un se lancer dans un tel sujet et y mettre toute sa passion. Car oui il s’agit de hard SF, et de science qui est encore au statut de simple théorie.


Mais Interstellar est avant tout une histoire de famille. Dans un futur où la terre dépérit sous une poussière sans vie, l’homme ne regarde plus en l’air mais bien en bas, vers la terre, pour tenter de survivre. On mise tout sur l’agriculture car pour ce qui est du progrès on verra plus tard, la question ne se pose même plus. Cooper, interprété par Matthew McConaughey, fait partie de cette génération dont on a coupé les ailes : ancien pilote exceptionnel de la Nasa, il se voit obligé, tant bien que mal, de s’occuper de sa petite ferme avec ses deux enfants Murph et Tom. Mais l’espoir revient quand il tombe par hasard sur une mission secrète de la Nasa : voyager à travers un trou de verre pour découvrir de nouveaux mondes afin de trouver une nouvelle terre d'accueil pour l'humanité. Rien que ça. La mission lui est confiée et il ne peut la refuser, même s'il reste tiraillé entre l'idée d'abandonner sa famille et le fait de tenter de sauver le monde.


Un film sur le sens de la vie donc, que ce soit du point de vie macroscopique ou microscopique, et qui ne va pas arrêter de voguer à travers ces deux thèmes majeurs. Et forcément le récit se perd un peu, ce qui casse le "pourquoi" je voulais le voir. Car en voulant trop ramener son personnage principal vers son attachement familial, on oublie le principal intérêt du film selon moi : la découverte d’univers, la véritable promesse du voyage interstellaire. Et à part nous servir quelques lieux très communs à l’Islande et un délire avec des vagues géantes (d’une superbe intensité, certes), et bien je suis resté complètement sur ma faim…


Mais ce n’est pas les seuls reproches que l’on peut faire à Interstellar, malheureusement, car on ne peut rester de marbre devant les invraisemblances du scénario qui semblait plutôt prometteur. Le début est très bâclé à mon sens : Cooper s’embarque selon moi beaucoup trop vite dans cette aventure… Et puis le fait de rentrer dans une sorte de cinquième dimension, dans ce fameux trou noir, qui va tout expliquer me semble selon moi trop simpliste et rocambolesque. J’étais plus dans l’expectative que dans l’excitation. Et pourtant on parle d’une personne qui a réussit à me faire croire à une histoire de rêves imbriqués pour pouvoir persuader quelqu’un et le tout à 30000 pieds dans le ciel. Mais la, ça sonne un peu faux, ça sonne un peu simple, ça semble surtout complètement tirer par les cheveux. L’intention est louable, audacieuse, mais elle manque de crédibilité.


Hormis cette déception autour de l’histoire et de son déroulement, Interstellar fourmille tout de même de qualités indéniables. L’interprétation des acteurs est sans faille et leurs échanges sont émouvants. J'ai été véritablement happé et touché par cette grande mission et par la relation père-fille qu’entretiennent Cooper et Murph. Les relations humaines sont touchantes et respirent la sincérité, j'ai été emporté dans leurs différentes péripéties qui sont plutôt bien rythmés entre larmoyant et souffle épique. Les thèmes philosophiques sur la famille sont très intéressants et je trouve ça plutôt intelligent de les mettre en parallèle avec la survie de l’humanité.


Le montage se perd un peu parfois (c’est Nolan hein, ça jump facilement entre les différentes situations), mais globalement, les deux histoires parallèles sont très lisibles. Visuellement rien de très époustouflant à part quelques fulgurances autour de la représentation du trou noir et de l’espace en général (bon le problème c’est qu’il y a eu Sunshine qui est sorti un peu avant). Le reste est très sobre, très propre, assez fincherien niveau photographie. Du bon, mais j’aurai aimé quelque chose de plus personnel, surtout dans la représentation des planètes où on sent un peu de redite avec le concept « Inception ».


Mais le gros point fort du film selon moi reste la bande originale. La musique d’Hans Zimmer est tout bonnement formidable : ça fait vraiment plaisir de le voir s’éloigner un peu de ses thèmes habituels et de s’essayer à quelque chose de plus mélodique, de plus varié, de plus sensorielle et minimaliste sur certains points. Je me suis même posé la question si c’était vraiment lui qui avait composé la musique. Elle englobe parfaitement les différentes situations tantôt dantesques et tantôt intimistes.


Interstellar est une expérience à vivre au cinéma, sans aucun doute. Le côté épique de l’aventure, la musique, le message philosophe, une SF qui change enfin, le rythme et l’interprétation des acteurs principaux éclipseront peut être pour vous les invraisemblances du scénario, et une histoire qui s’étale sur trop de sujets différents. C’était osé, c’était prometteur, il manque encore de toucher les étoiles, les vraies.

moktar
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2014

Créée

le 13 nov. 2014

Critique lue 398 fois

5 j'aime

moktar

Écrit par

Critique lue 398 fois

5

D'autres avis sur Interstellar

Interstellar
Samu-L
8

Rage against the dying of the light.

Un grand film, pour moi, c'est un film qui m'empêche de dormir. Un film qui ne s'évapore pas, qui reste, qui continue à mijoter sous mon crâne épais, qui hante mon esprit. Le genre de film qui vous...

le 6 nov. 2014

428 j'aime

72

Interstellar
blig
10

Tous les chemins mènent à l'Homme

Malgré ce que j'entends dire ou lis sur le site ou ailleurs, à savoir que les comparaisons avec 2001 : L'Odyssée de l'Espace sont illégitimes et n'ont pas lieu d'être, le spectre de Kubrick...

Par

le 28 févr. 2015

329 j'aime

83

Interstellar
guyness
4

Tes désirs sont désordres

Christopher navigue un peu seul, loin au-dessus d’une marée basse qui, en se retirant, laisse la grise grève exposer les carcasses de vieux crabes comme Michael Bay ou les étoiles de mers mortes de...

le 12 nov. 2014

296 j'aime

141

Du même critique

Halt and Catch Fire
moktar
9

Le virtuel n'a jamais été aussi vrai.

Comme beaucoup, je considère Halt and catch fire comme une des séries les plus sous-estimée de son époque (spoiler : la notre). Et malgré tout, c'est un miracle qu'elle ait pu tenir pendant 4 saisons...

le 29 oct. 2017

15 j'aime

Bienvenue à Gattaca
moktar
10

Une perfection génétique

Parfait. Oui, parfait. C'est le seul film que j'ai vu qui est juste parfait. Tous, tous les aspects du film sont maîtrisés de bout en bout. Que ce soit dans le message socio politique, les décors,...

le 18 nov. 2010

11 j'aime

Killer Joe
moktar
8

Les yeux qui tuent

Je connais pas ou peu William Friedkin. Je ne vais donc pas m'étendre sur sa filmographie, et en même temps c'est pas trop le but. J'ai vu l'Exorciste, comme à peu près tout le monde et cela m'avait...

le 23 sept. 2012

8 j'aime