Interstellar est une magnifique épopée qui, pour moi, brille par sa (relative) simplicité visuelle.
Souvent évoqué comme l'attendu "2001" de Nolan, je ne vois en la comparaison aucune légitimité tant le film de Nolan dispose de son propre périmètre et se suffit à lui même. Catégorisé film SF parce que oui, une bonne partie du film se déroule des millions de km au dessus de nous et traite de la recherche d'une nouvelle planète pour y faire perdurer la race humaine, Interstellar est avant tout un film centré sur l'Humanité. Car c'est bien l'Homme qui est au cœur de cette histoire : ses actes, ses peurs, ses choix, sa légitimité, son instinct de survie, son individualité, sa relation à l'autre... Au delà des théories scientifiques, avérées ou non, probables ou fantaisistes, Nolan y met en avant des thèmes essentiels pourtant aujourd'hui peu ou mal considérés dans notre société consumériste : le dépassement de soi, l'ouverture d'esprit, l’amour, la mort...
La première partie du film pose les bases et installe de manière simple mais très efficace le contexte et les personnages. L'esthétique est sobre, poussiéreuse, naturelle. Nolan reste dans une juste mesure, loin de la surenchère visuelle, réussissant ainsi à éviter de transformer ce pitch à priori simpliste en un blockbuster à la con avec son héros sauveur du monde... Les cadrages sont assez souvent serrés, les plans larges sont épurés. La transition vers la mission spatiale se fait de manière hasardeuse mais postérieurement justifiée même si j'ai par contre trouvé la proposition faite à Cooper un peu trop improvisée.
Avec le départ de la mission Lazarus, Interstellar prend alors un second souffle et nous emmène alors dans un voyage d'une grande intensité, appuyé par le score d'un Hans Zimmer éblouissant qui a su abandonner ses cuivres beuglants au profit d' orgues donnant une dimension hautement liturgique au récit, et entrecoupés de silences lourds et assourdissants (et oui, dans l'espace, pas d'air = pas de son !). L'histoire, même si elle devient assez linéaire, parvient à éviter tous les écueils et à ne pas tomber dans l'attendu grâce à des rebondissements bien venus et bien sentis. La tension de la narration va crescendo jusqu'à un climax très fort mettant en parallèle le déroulé terrestre et spatial de la mission.
Le casting est vraiment très convaincant. McConaughey est très à propos. Anne Hathaway manque un peu d'assurance mais finit par nous livrer de belles idées, en particulier sur l'Amour, ce sentiment dont l'essence reste finalement assez inconnue et pourtant qui véhicule une telle force. Jessica Chastain est sublime. Matt Damon, lui, a bien raison de retourner voir Jason Bourne. Le récit est posé de manière intelligente, sans lourdeurs, et sollicite le spectateur sans lui prémacher la compréhension.
Interstellar, pour s'apprécier, exige du spectateur un certain lâcher prise et l'acceptation que cet infini qui nous entoure nous dépasse; dépasse notre référentiel terrestre, notre intelligence actuelle, notre entendement. A défaut, en restant très terre à terre, il sera assez difficile de se laisser emporter. Par le biais d'un scénario original, Interstellar sollicite notre propre pensée, notre éveil et notre ouverture. Et même si il n'est pas pour autant parfait, c'est pour un film de ce gabarit suffisamment rare pour se laisser apprécier.