Irréversible est le second long de Gaspar Noé, séparant le très prolixe et fougueux "Seul contre Tous" du trip visuel monumental "Enter the Void".
Et de façon assez amusante, dans le style, le film de Gaspar Noé s'intègre parfaitement dans l'évolution de l'œuvre du cinéaste. De "Seul contre Tous" il reste l'intention de percuter le spectateur, de le provoquer, de l'enrager et de le faire bondir de sa chaise, et d'Enter the Void on commence à pré-sentir certaines prise de risques stylistiques : la caméra qui vole au dessus des personnages, allant d'une scène à l'autre, le montage inversé, les crédits extrêmement stylisés au début du film, l'utilisation de flashs...
En ce qui me concerne, le pari du film est à moitié raté : Malgré les mouvements brusque de caméra, la violence et la crudité des scènes, le son à 28 hz en background (provoquant intentionnellement la nausée), je suis resté insensible aux scènes prétendument insoutenables et que l'on m'avait précédemment allègrement "spoilées".
« Si, si, si. On peut parler du sexe. Mais pas avec toi. »
Par contre, j'ai trouvé le film très drôle et défoulant. Les scènes sont d'un cynisme absolu, la fameuse scène de l'extincteur et de l'ensemble du bar gay le "rectum" est hilarante et son issue vraiment bien trouvée (le besoin de violence, venant des tripes, qui, loin de résoudre des problèmes, en crée encore plus : une réminiscence de Seul contre Tous). Au fur et à mesure que les scènes s'enchaînent, un suspense inversé instaure un jeu entre le spectateur et le réal, dont le but est de deviner les évènements causes de ceux auxquels il est en train d'assister : Comment Cassel connaît-il le nom de l'agresseur et de la boîte ? Pourquoi Cassel et Dupontel sont en taxi sans chauffeur ? Qui sont ces deux arabes qui les suivent ? Etc.
L'intrigue inversée transforme un enchaînement de péripéties autrement plutôt fluide en succession de retournements de situation, je dois avouer que je trouve la méthode plutôt couillue et efficace, elle parvient à garder le spectateur en haleine tout au long d'un scénario qui serait autrement beaucoup plus convenu.
« Pour sortir par-là il faut que tu prennes le passage. Là. »
J'ai eu beaucoup de mal à croire à la scène du viol (faut dire que je l'appréhendais comme le sommet du gerbatoire) et finalement ça m'a rien foutu. Limite, voir Belucci à moitié à poil m'a foutu une demi-molle pendant quelques secondes, honnêtement j'ai pas du tout senti l'oppression et le dégoût passager que j'avais ressenti pendant des scènes analogues dans d'autres films.
La faute, peut-être, au montage inversée qui ne permet pas une empathie immédiate pour la jeune femme ou tout simplement un état d'esprit de spectateur trop défensif.
Enfin j'aimerais souligner l'âpreté et l'humour caustique des dialogues et des personnages, la scène du métro étant vraiment tordante, les échanges entre un Cassel survolté et un Dupontel toujours trop prudent faisant toujours mouche.
« T'es plus un animal, même les animaux ils se vengent pas alors arrête-toi. »
Pour conclure, je dirais qu'Irréversible est un trip qui suscite d'autres intérêts que la recherche pure et simple d'une violence visuelle : C'est le récit cynique de la rapide descente aux enfers d'un homme (les personnages de Dupontel et de Cassel n'étant probablement que les allégories des deux facettes de la psyché d'un même homme) qui laisse son affect prendre le pas sur son intellect à la suite d'un violent choc psychologique.