Tout comme son nom l'indique, J'accuse concerne l'affaire Dreyfus, un officier soupçonné d'avoir transmis des informations secret défense à l'Allemagne. Dégradé et déchu de ses fonctions, il va être condamné à l'exil, jusqu'à ce qu'un homme, Marie-Georges Picquart, transféré au service des renseignements, découvre que Dreyfus n'est peut-être pas coupable.
Après le faux pas qu'a été D'après une histoire vraie, Roman Polanski se devait de rectifier le tir, et de montrer qu'il est encore et toujours un grand réalisateur, à 85 ans passés. La mission est accomplie, car J'accuse est vraiment passionnant ; sa grande force est d'être au fond un film d'espionnage, où il y a très peu d'action, et les secrets se révèlent à base de papiers déchirés et de calligraphies.
C'est une histoire qui sent clairement le soufre, car elle pourrait mettre en cause l'armée et la République, tout cela pour sauver un juif, car l'antisémitisme était déjà là à l'époque.
La fameux Picquart est incarné par un formidable Jean Dujardin dans le meilleur rôle, à ce jour, de sa carrière ; il garde un ton impassible, presque sans lever la voix, et fait montre d'une opiniâtreté qui va faire réveiller les consciences, Émile Zola en tête.
Outre Dujardin, il y a tout autour de lui un excellent casting avec Louis Garrel (le fameux Dreyfus), Emmanuelle Seigner (femme moderne avant l'heure), Vincent Perez,Mathieu Amalric, et Grégory Gadebois, le commandant Hubert Henry qui va être un des plus virulents opposants à Picquart.
Bien que le film ait bénéficié de moyens considérables, comme la première scène qui est la reconstitution de la cérémonie de dégradation de Dreyfus, avec le fameux moment où on lui casse son épée, J'accuse se passe en grande majorité en lieux clos. Il y a aussi un parallèle à faire avec un des précédents films de Polanski, The ghost writer, déjà coscénarisé par Robert Harris, où le personnage principal subissait lui aussi nombre de mécanismes de persécution, jusqu'à attenter à sa propre vie.
Le seul regret que je pourrais avoir concerne la quasi-absence de la musique, signée Alexandre Desplat, et qu'on entend surtout au générique de fin ; certainement pour donner au film ce climat de pesanteur qui y règne durant plus de deux heures, y compris lors des formidables scènes de procès.
En sortant de la salle, j'ai été rassuré de voir que Roman Polanski était toujours au sommet de son art, avec une histoire qui reste actuelle sur le faux et la manipulation des masses.