Jabberwocky
7.4
Jabberwocky

Court-métrage d'animation de Jan Švankmajer (1971)

L'insoutenable pesanteur des choses...

Il s'agit de sortir d'un labyrinthe, il s'agit de reconstituer un paysage, il s'agit de laisser danser une enfance, il s'agit de tuer une enfance, il s'agit de quitter un regard tyrannique, il s'agit de fuir le carcan.... Il s'agit de bien des choses dans cette petite oeuvre tout à fait extraordinaire, réalisée en stop-motion en 1971 , et qui nous fait vivre l'animation d'un monde d'objet dans une chambre d'enfant.

J'essayerai d'étoffer cette critique après plusieurs visionnages, mais en première impression il est clair qu'il y a quelque chose de jubilatoire dans cette histoire de rébellion, contre la famille, contre la religion, contre le père (qui vomit littéralement sa fille) , contre un Mal que semble personnifier le chat noir des sorcières et des contes. Le scénario , pour être obscur ne pointe pas moins vers une violence faite à l'innocence, à l' enfance et surtout à la femme, et certaines images transportent cette violence de manière assez viscérale. (l'enfantement cannibalesque, la pomme du jardin d'Eden qui pourrit, la broderie comme toile d'araignée, etc... ) C'est une oeuvre à la musique endiablée mais ce n'est pas une promenade de santé.

Ce labyrinthe étouffant dont il faut sortir à tout prix et où nous sommes châtié à chaque échec (châtié est le mot, oui ;-) ) est cette jeunesse bridée qui enferme, qui étouffe les rêves dans une prison de coutumes, de règles, de rôles imposés avec violence (le couteau qui déchire la broderie peut avoir de multiples résonances, je crois, traumatisantes ou libératoires, selon le point de vue). La clé du labyrinthe vient en son temps, après de nombreux essais, et cette clé semble être l'éducation ou le savoir, au travers d'images écolières, où l'écriture se transforme en savoir-faire et en action pour un envol final hors des murs de la chambre, de la "cellule" familiale (le vandalisme sur le portrait de l'autorité est le signe même de l'évasion de l’artiste).

Ce court-métrage est remarquablement réalisé, d'une imagination onirique qui explose de symboles , de vitalité et de surprises. L'adéquation musique / images est superbe et l'histoire qu'il nous conte est à la fois familière et totalement mystérieuse. Ma première impression est ici une lecture anti-familiale, mais une grille de lecture féministe (le monde des hommes et la religion y sont présents de manière très négative) serait à mon sens aussi pertinente et sans doute encore plus fructueuse.

De toutes façon, c'est génial et je vous le recommande !! :-)
nostromo
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le 12 févr. 2014

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