Riad Sa Touffe.Dans un monde où,quelle horreur,les femmes exercent un pouvoir absolu,le jeune campagnard Jacky est follement amoureux de la colonelle,héritière du trône.Il veut absolument participer au bal des prétendants où la belle choisira son mari mais il en est empêché par sa tante et son oncle,qui l'ont recueilli et le tiennent en esclavage et préfèrent envoyer leurs fils à la cérémonie dans l'espoir de toucher le jackpot.Chacun aura reconnu ici l'histoire de Cendrillon,en mode modernisé et où les rôles des deux sexes sont inversés.Après le succès de son premier film,le très surestimé "Les beaux gosses",l'auteur de BD Riad Sattouf a réalisé et écrit ce deuxième essai,qui est aussi le dernier à ce jour et dont il a également composé la musique.L'accueil critique a été plutôt frais et le film s'est planté en salles,ce qui n'est pas surprenant quand on voit cette confuse pochade.Certes,c'est original,le réalisateur installant un curieux monde dystopique dans lequel un matriarcat féroce maintient les hommes sous sa férule.Tous les attributs traditionnels sont inversés,les mecs étant cantonnés à la maison où ils s'occupent du ménage et de la cuisine,et ce sont les femmes qui commandent,qui prennent les initiatives,qui draguent,qui demandent en mariage,qui font du chantage sexuel et parfois abusent physiquement de leur pouvoir.Les types sont de vraies chouquettes et sont totalement soumis aux diktats féminins,minaudant à qui mieux mieux pour plaire à ces dames.Le problème est que c'est mal foutu à tous les niveaux.La mise en scène patauge et développe sans grand rythme une intrigue filandreuse,et pour ce qui est du scénario on ne voit pas bien où l'auteur veut en venir.On se dit de prime abord et vu l'ambiance actuelle qu'il s'agit probablement d'un film féministe,le renversement des rôles étant destiné à montrer combien les pauvres femmes sont brimées,sur le mode "regardez les gars,ça vous plairait si vous étiez à leur place?".Si c'est ça,Sattouf retarde de quelques guerres car la condition féminine a légèrement évolué et ne ressemble pas à ce qu'on voit sur l'écran.A moins que le cinéaste ne vise une communauté qu'il connait bien,la sienne.Car effectivement l'obscurantisme patriarcal est encore très pratiqué de nos jours par les musulmans,et de fait le film nous "dévoile" des femmes dominatrices ayant le droit d'avoir plusieurs maris à qui elles imposent leur autorité,tandis que tous les mecs sont vêtus de burqas.Ca devient moins clair quand le décorum et l'esthétique soviétique s'invitent dans l'histoire.Architecture stalinienne,militarisation répressive totale,uniformes russo-nazis,surveillance généralisée,libertés bafouées,on se croirait au bon vieux temps des bolchos,ce n'est pas un hasard si on a tourné en Géorgie.Au fond,on peut aussi bien considérer qu'il s'agit d'un film misogyne démontrant que les femmes à la baguette sont aussi nocives que les hommes.On ajoute à ça un petit côté "Soleil vert" avec le secret de la nourriture locale et un twist final ridicule mais gay-compatible,et on obtient une mélasse d'autant moins digeste que c'est censé être une comédie mais que c'est tellement lourdingue qu'il n'y a à aucun moment matière à rire.Le naufrage total est évité de justesse grâce au casting prestigieux que Sattouf a pu se payer,les acteurs étant très bons et apparemment très impliqués.On retrouve là les deux héros des "Beaux gosses",Vincent Lacoste se démenant dans le rôle principal et Anthony Sonigo tenant un emploi subalterne.Mais on a en plus Didier Bourdon,magistral en oncle d'une veulerie répugnante,une Anémone hilarante en "cheffe" d'état diminuée mais tyrannique et chaude du flingue,Valérie Bonneton,très amusante en policière encline à abuser de ses prérogatives.Les seconds couteaux ne sont pas en reste et Noémie Lvovsky,Laure Marsac,William Lebghil ou India Hair sont excellents,alors que Michel Hazanavicius,connu comme cinéaste,s'essaie avec talent à la comédie.Mais celle qui emporte l'adhésion est Charlotte Gainsbourg,frémissante,sensuelle et séduisante en princesse contrariée,qui aimante la caméra dans un délicieux mélange de force et de fragilité.