Delors... dinaire.

Chapeau bas à Cécile Amar, la réalisatrice de ces confidences, car les journalistes sont souvent plus prompts à faire des enquêtes sur des personnages plus connus que cet homme discret mais qui fut si influent...

Si les biographies des de Gaulle, Mitterrand, Chirac, Giscard et autres pullulent, celles sur Jacques Delors sont rares. J'étais même un temps certain qu'il avait été premier ministre !

Il eut probablement mieux réussi à ce poste et été bien meilleur que Fabius et autres, plus assoiffés de pouvoirs, de regards admiratifs et de considération distinguée, que lui.

"Cet homme qui ne voulait pas être roi" est le titre du roman de la même Cécile Amar édité en 2016 chez" Grasset et dépeint bien le personnage.

La simplicité est même une de ses qualités que j'ai appréciée lorsque je l'ai rencontré fugitivement en gare de Lille, au temps de sa splendeur hiérarchique...

Premier constat : quand on voit de nos jours le nombre de candidats au trône présidentiel, on se demande, on se demandera longtemps encore, pourquoi cet homme que quasiment toute la France plébiscitait en 1995 pour diriger la France, a décliné le tapis rouge déployé devant lui qui l'aurait emmené à l'Elysée ?

Peut-être ne le savait-il pas lui-même ? Peut-être préférait-il une vie familiale normale à des voyages et rituels incessants. Peut-être ne s'en sentait-il pas les capacités ? Peut-être le rôle de président de la commission européenne qu'il a été de 1985 à 1995 répondait-il amplement à ses aspirations ? Au-delà peut-être même ?

Bien sûr, ce n'est plus le fringant homme qu'il était alors qu'on voit dans ce film-documentaire trop court.

La voix n'est plus aussi nette, mais on s'aperçoit,alors qu'il énumère ses souvenirs que l'intelligence est toujours là, le fil conducteur de l'idée et la pertinence de l'analyse aussi...

Il aime parler de sa fille (Martine Aubry, maire de Lille ayant succédé à Pierre Mauroy) dont il affirmait qu'elle était plus intelligente que lui.

Il est vrai qu'elle eut probablement, selon cette confidence qu j'ai entendue à Lille, qu'elle eut probablement été première ministre de Jospin s'il n'avait été battu (honte suprême) par le candidat auquel personne ne s'attendait : le diable, ou plutôt Jean-Marie le Pen, qu'on s'est toujours acharné à sataniser...

Tout jeune, Jacques Delors ambitionnait d'être réalisateur, lui qui paradoxalement n'a jamais fait de "cinéma" en politique.

J'aurais aimé savoir ce qu'il pensait de la quasi-disparition du PS de nos jours alors que lui l'avait connu au faîte de sa gloire... Le sujet n'a pas été évoqué : dommage.

L'homme regrette toutefois que malgré son expérience, ses années consacrées à l'Europe, plus personne n'ait songé à prendre son avis sur certains problèmes décisions...

Révélation douce-amère démontrant qu'on est aussi vite oublié qu'on a pu être adoré. Surtout quand la médiatisation à outrance de votre personnage n'était pas votre souci premier, mais le contraire.

C'est pour cette raison Monsieur Delors que moi, je vous ai apprécié, toutes idées politiques exclues de ce ressenti.

France 5 le 08.05.2022_