Tati, pas Danièle !

Pour avoir une conversation distinguée, se rappeler de n’ouvrir la bouche que quand on n’a rien à dire . (Georges Courteline)

Un un mime, un saltimbanque, un artiste, ? Tout cela en même temps ? En tout cas un véritable original... Et toujours tous sourires dehors, avec ce flegme, et flanqué d'un parapluie qui ne lui aura été utile qu'une fois ! Avez-vous remarqué que la profession de mime a disparu depuis le célèbre Marceau ?Comme les poètes... D'ailleurs à l'époque de "Mon oncle", la vox-populi s'insurgeait : "C'est bien la peine d'avoir révolutionné le cinéma pour le rendre parlant si des rétrogrades nous infligent des films muets comme jadis !"
Prêt à tout Tati pour satisfaire son goût inné du rocambolesque, du mime, de faire rire... Et flanqué de cette indécollable pipe comme image de marque, comme Maigret ou Gainsbourg avec ses "Gitanes" ! Ils ont disparu, la Seita aussi ! Même les héros de BD tel Lucky Luke ne clopent plus.
Mais qu'est-ce donc qui a poussé J.B. Péretié à nous concocter en 2021 ce documentaire sur ce phénomène de cinéma à contre-courant ?
Réalisateur dont on connaît bien peu de choses sinon qu'il sévit sur France 5 et Arte mais qui réussit ici à nous captiver avec ce "grand bonhomme déguingandé" de Hulot qui ambitionnait de nous amuser. Je dis" bonhomme" au sens bon-homme, avec beaucoup de tendresse.
En tout cas on prend beaucoup de plaisir à suivre cette biographie qui n'accumule pas les caresses dans le dos de feu Tati. J'ai même pris beaucoup de plaisir à le revoir comme ces pans de haut buildings se déplaçant sur roulettes à Tativille...
On évoque même ses défauts comme l'égo-centrisme, ce qui est rare : l'acteur "touche à tout" avoue lui-même avoir même fait passer sa famille et sa vie privée après son art. Pas très sympathique ! Qu'en pensent-ils de nos jours s'ils me lisent ?
Mais quand on a l'art dans la peau !
Exit toute arrière pensée commerciale : il a même hypothéqué ses biens comme sa maison, pour financer un "Playtime" démentiel qui le ruinera...
N'hésitant pas à imiter Disney en créant sa propre cité en banlieue : "Tativille" avec ses immeubles sur roulettes, rues et autres décors qui finiront détruits, enfouissant le scénario sous lesquels Tatischeff de son vrai nom, (1907-1982) l'avait jeté. Impressionnant. Il ne mettait jamais non plus de stars connues du cinéma à l'affiche pour ne pas aguicher le public !
Les "anciens" racontent que Tati à l'époque de la sortie de ses films, était en France très controversé... Une de mes tantes en disait "On se demande pourquoi avoir créé le cinéma parlant si c'est pour nous refiler encore des films muets ?"
Ou encore un voisin : "ça n'a ni queue, ni tête !"
Injustifié : aucun de ses films n'est vraiment muet !
En revanche, on se serait passé de Podalydès comme conteur-narrateur, trop soporifique et si peu expressif. On se plaît à rêver d'un Noiret, bien plus vivant au niveau de sa voxographie... C'est même le seul reproche que je ferai à ce documentaire original...
Péretié, en le titrant, savait-il qu'un véritable astéroïde a été baptisé "Tati" en 1998, pour évoquer la lune ou s'agit-il d'un simple hasard ?
Les mimes ont toujours dû faire-face à un "à-priori" assez négatif, puis le genre s'est perdu, et plus aucun n'a acquis la célébrité.. Qui se souvient du mime Marceau ?...
En tombant, Tati se serait-il trompé de planète ?

France 5 le 04.02.2022- 24.12.2023_