JANE GOT A GUN mais pas grand chose avec...

JANE GOT A GUN fait partie de ces projets sur lesquels rien ne se passe comme prévu. Pour rappel, le film initialement mis sous la direction de la réalisatrice Lynne Ramsay, fut totalement chamboulé lorsque celle-ci décida de ne plus le réaliser – décision prise le premier jour du tournage tandis qu’une tempête de sable s’abattait sur les lieux. Si Michael Fassbender quitta également le projet en raison d’un emploi du temps trop serré, Jude Law suivit simplement Ramsay avec qui il désirait tourner. Bien que venu le remplacer, Bradley Cooper céda à son tour sa place au profit d’Ewan McGregor pour le rôle de Bishop.


Le tournage est décalé et Ramsay est remplacée par Gavin O’connor (Warrior) venu avec son scénariste Anthony Tambakis pour remanier le scénario d’origine de Brian Duffel (Divergente 2). Ce dernier disait s’inspirer pour JANE GOT A GUN de la structure de Predator et voulait donner un ton punk-rock pour moderniser le genre du western. Tambakis le rendra au final bien plus classique et semble n’avoir gardé de Duffel que Jane, cette femme qui s’affirme et se dresse contre les hommes. Alors que son mari, Bill (Noah Emmerich), revient blessé par le clan Bishop, Jane n’a d’autres choix que de demander l’aide de son ancien amour, Dan Frost (Joel Edgerton).


On restait donc plutôt septique sur le résultat de ce JANE GOT A GUN tellement tout semblait contre lui. Cependant, on voulait y croire jusqu’au bout. Songeant aux divers projets ayant connu des difficultés similaires. Tel un Apocalypse Now de Coppola, le film pourrait s’en sortir. A moins qu’il s’agisse d’une redite du Don Quichotte de Terry Gilliam qui n’a, à ce jour, jamais vu le jour autrement que par un documentaire (Lost in La Mancha) qui relate toutes les complications du tournage. JANE GOT A GUN a finalement bien été mis en boîte. Malheureusement le résultat n’est pas très convaincant. Et tout dans le film semble révéler les incertitudes et les changements qu’a connu le projet, alternant entre le bon et le mauvais goût.


Difficile alors de savoir si JANE GOT A GUN est un bon film entaché de mauvais choix artistiques, ou un mauvais film qui se tire parfois vers le haut grâce à une poignée de passages réussis. Une incertitude due à l’inégalité continue du film. Car s’il parvient à tenir la route en se montrant plutôt classique sur l’ensemble des scènes du « présent », on assiste à une toute autre réalisation lorsque le « passé » de Jane se révèle par d’innombrables retours en arrière. Un fondu enchaîné qui laisse à désirer, et voilà Jane qui batifole dans un champ de blé avec son ancien amour. Pourtant, ce n’est pas faute d’y croire de la part des acteurs. Natalie Portman – également productrice et à l’origine du film – est comme toujours convaincante et maîtrise chacune de ses émotions. A ses côtés, Ewan McGregor – qu’on aurait aimé voir davantage – nous ravit dans le rôle du terrible Bishop. Joel Edgerton (Frost) et Noah Emmerich rendent quant à eux une copie honnête.


Aux approximations de la réalisation d’O’Connor se mêle un rythme bien trop linéaire. Le choix de se concentrer sur les rapports entre Jane et ces deux hommes, et de garder la scène de fusillade à la fin – expédiée en cinq minutes tel un pétard mouillé – est certes osé, mais ne fonctionne pas. Aucune tension ne se fait ressentir. Aucune ambigüité entre Frost et Jane. Aucune confrontation digne de ce nom avec Bill. Les personnages semblent se traîner et on assiste uniquement à une succession de conversations d’une pièce à l’autre de la propriété de Jane et Bill.


De JANE GOT A GUN, il ne reste finalement d’intéressant que Jane, une femme au premier plan d’un film « d’action ». Chose encore trop rare dans les films populaires, mais qu’on a pu remarquer avec plaisir au cours de l’année 2015 avec notamment Sicario, Mad Max : Fury Road, Star Wars VII et Mission Impossible 5. La position de le femme à Hollywood serait-elle (enfin) en train de changer ? On l’espère. Mais si les films précédemment cités ont su se montrer de qualité, de manière générale comme sur la façon d’aborder les personnages féminins, ce n’est pas le cas avec ce que propose O’Connor. A l’image de cette dernière scène de Jane qui va, seule, collecter une prime avant de retrouver son hommes (Bill ou Frost ?) qui l’attend avec les enfants. Une image louable par son sens de « papa à la maison, maman au travail », mais qui par son traitement déçoit et nous laisse avec un certain malaise.


Critique de Pierre pour Le Blog du Cinéma

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le 25 janv. 2016

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