Attention, vous entrez dans une zone de spoil. Lisez le livre et/ou regardez le film avant d'aller plus loin.


Je vous ai prévenu.


Le film en lui-même n'est pas mauvais : une belle photo, des moments haletants, des moments d'émotion (même si la mort du chien aurait pu être bien plus émouvante), des moments où j'ai bien flippé - normal me direz-vous quand on décide de regarder ce film un soir toute seule dans une maison vide et qu'en plus le chat est sorti ! Et Will Smith nous livre une très bonne interprétation.


Mais si le film est une adaptation du roman de Matheson, alors c'est une mauvaise adaptation.


D'abord au niveau du personnage : les souffrances du héros sont complètement tronquées, et ses expériences facilitées, ce qui, je trouve, empêche une véritable empathie.
- Dans le film il perd sa femme et sa fille de façon stupide, mais rapide et qui lui garantit un "non-retour" en mode vampires. C'est très triste pour lui, mais on perd l'intérêt du livre où il souffrait de leurs transformations.
- La solitude forcée, pendant des années, dans le livre le rend quasiment fou. Compréhensible. Ce qui explique qu'il tente l'impossible pour apprivoiser et guérir le chien errant qu'il découvre par hasard. Dans le film tout semble arriver en trois jours, ce qui est loin d'être convaincant.
- Passent à la trappe les efforts démesurés du héros du livre pour trouver un vaccin. Il passe des mois à apprendre à partir de rien, retournant à la bibliothèque pour reprendre ses bases de chimie. Dans le film, il a déjà une formation médicale poussée, qui fait de Robert Neville l'homme idéal pour trouver un remède (genre le messie).


Ensuite au niveau des méchants : dans le roman, les vampires étaient déjà bien flippants mais aussi très intéressants car ils semblaient conserver des souvenirs de leur vie saine (cf. le voisin du héros, qui vient le harceler toutes les nuits dans son jardin) ; ils deviennent dans le film de simples zombies champions de sprint, apparemment menés par un chef un peu plus méchant et un peu plus costaud. Bref, au lieu d'être les vampires incroyablement singuliers de Matheson, ils sont dans le film des zombis franchement quelconques, juste moches et mortels.
D'ailleurs je viens de me rendre compte que j'ai assimilé les vampires du film à des sortes de zombies. Comme quoi ils sont mal faits : ils n'ont rien des vampires fantastiques auxquels Matheson avait trouvé une validité scientifique, ils sont juste des monstres lambdas que doit mater le preux Will Smith.


Enfin la fin est tout simplement aberrante quand on a lu le livre : le film passe complètement à côté de l'évolution majeure de Matheson qui faisait de Robert Neville une véritable Légende : il n'est pas l'homme qui découvre un vaccin à l'épidémie mais le dernier de son espèce. La "légende", ce n'est pas le génie qui trouve un remède, c'est le dernier humain sur une planète dont l'espèce dominante est désormais le vampire, et dont l'ère commence avec la mort de Neville.
Exit aussi la découverte de la véritable nature de la femme. C'est peut-être trop attendu dans le livre, mais c'est ce par quoi Neville est piégé : il ouvre sa porte à celle qu'il croit être une humaine, et pourtant tout lui dit qu'elle ne peut pas en être une. On peut se poser la question : n'essaie-t-il pas de se convaincre lui-même ? conscient que sa fin viendra forcément, ne baisse-t-il pas les bras à partir du moment où il accueille cette vampire qui a évolué pour supporter la lumière du soleil ? Son geste devient alors beaucoup plus symbolique que lorsque dans le film il se contente de sauver une humaine et se sacrifie pour sauver la race humaine.


Le scénario de ce film semble ne rien avoir compris au livre de Matheson, à la symbolique qui transparaît à la mort de Neville, dernier homme qui en mourant sonne le début d'une nouvelle civilisation. Les vampires s'approprient le titre de nouvelle race dominante, que Neville n'a plus le droit de revendiquer. Le film passe complètement à côté de ça et se contente d'être un divertissement de vampires/zombies classique, voire plat.

Kogepan
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le 22 juin 2013

Modifiée

le 1 juin 2014

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