Ce qu'il y a de bien avec les oeuvres spontanées, celles qui sont écrites sans autre analyse que leur sujet, c'est qu'il en émerge la profondeur de son autrice, en l'occurrence, Maïwenn.
Que nous dit Maïwenn à travers ce prétexte biopic sur Jeanne Du Barry ?
Il est d'abord à souligner l'écriture du rôle du roi, interprété par certes un comédien de langue anglaise, ce qui n'est pas certes sans faire sourire, mais interprété pas par n'importe quel comédien. Un rôle avec très peu de texte, un jeu plutôt sur le corps et quelques expressions du visage.
C'est en effet de corps qu'il est question dans ce film : ce que l'on fait de son corps, ce que l'on fait à son corps, par soi, par les autres.
Du reste toute la filmographie de Maïwenn dit quelque chose de ces corps maltraités et de ce qu'ils deviennent si tant est qu'on n'en prenne pas soi (à tous les sens du terme).
La Du Barry est présentée comme une femme violée, abusée, dont seule la culture et l'intelligence et la relation au fils de son époux, Adolphe Du Barry, lui permettra de s'extirper de ce que l'époque offrait de plus sombre aux femmes.
Il est question du corps et donc de la vie, mais aussi de la mort, la mort du roi qui compte moins que le départ de la Du Barry. L'occasion aussi de proposer une autre lecture du futur Louis XVI, comme d'un Dauphin empathique, humain.
Il y est question de l'amour et de la relation à l'autre, ce qui oppose l'amour et la possession l'amour et l'envie, et confier ce rôle à un comédien qui, au moment du tournage était dans une tourmente tout à fait en opposition avec le rythme du film ne peut être un effet d'opportunisme, ou une tentative de quoi que ce soit. Ce film ralentit le rythme de cette sombre période de la vie de J. Depp, il est à espérer qu'il en tire une leçon.
Maïwenn montre en revanche avec violence comment la mort d'un être humain peut n'être qu'un épiphénomène, que seule compte la place à la cour, que pour la plupart des mortels, et ce depuis toujours, seule compte la Fama, la vie ne vaut rien.
Un casting prestigieux et tout à fait judicieux.
Un mot particulier pour Benjamin Lavernhe, dont le jeu est d'une justesse étonnante et selon moi c'est lui qui tient le film, il en est à la fois le conducteur, le fil, la règle.
Les plans et les lumières sont agréables et simples, aussi simples que la Du Barry était vivante, spontanée, comme Maïwenn peut l'être presque à son insu.
Dans l'intéressant sous texte du film, on pourra relever parfois quelques paradoxes propres à la réalisatrice, et chacun y verra les siens, ou ne les verra pas, cela n'est pas très important, Maïwenn parle peu en dehors de ses oeuvres, j'aime l'idée de lire ses films comme un biopic qui ne dirait pas son nom.
Pour revenir au film, je conclurais par un simple dialogue entre La Borde et la dauphine :
- C'est grotesque !
- Non, c'est Versailles.
Bon visionnage !