Au début des années 1990, le thriller prend la hype dans le cinéma américain. En raison, notamment, du Silence des Agneaux en 1991 qui a redéfini les codes du genre. Dès lors, la décennie sera marquée par des serial-killers en tout genre qui culminera, en 1995, avec Seven et donnera lieu à quelques bons films mais aussi beaucoup de pâles copies de ces deux chefs-d’œuvre du genre. Jennifer 8, qui connut un succès modeste à sa sortie et qui n’a pas réussi à saisir une deuxième chance à la télévision, est pourtant un très bon film. Si le pitch n’a rien de particulièrement original, c’est la qualité de son traitement qui vise vraiment juste. Peuplé de personnages vraiment intéressants et particulièrement bien incarnés (le casting est une des forces du long métrage), le récit trouve le juste équilibre entre enquête méticuleuse et mystère nébuleux. La bonne idée du film étant de reléguer le personnage du tueur (qu’on ne voit que dans l’ultime droite) pour interroger inlassablement l’obsession du personnage d’Andy Garcia pour cette affaire.
Contrairement à certains films de son époque, le titre ne se crashe pas avec sa romance entre les deux personnages principaux. Il s’en sert, au contraire, pour exciter la détermination du sergent Berlin à coincer le tueur et proposer à une toute jeune Uma Thurman un rôle à fleur de peau qui apporte de la densité au récit. Autant dire que la réussite de l’ensemble repose sur les liens qui unissent tous les personnages. Des liens qui donnent du poids à l’intrigue plutôt que les habituelles péripéties qu’offre ce type de thrillers. Mais la véritable cerise sur le gâteau reste son atmosphère poisseuse à souhait. Avec ses paysages de pluie ou de neige, son morne institut pour aveugles et sa superbe séquence où Andy Garcia et Lance Henriksen se lancent sur les traces du tueur en pleine nuit, Bruce Robinson fait l’étalage d’une véritable maîtrise autant dans les scènes d’ambiance que dans les quelques scènes d’action.
Bien mené, le scénario faiblit malheureusement en fin de parcours. Le personnage incarné par Andy Garcia, soupçonné d’avoir lui-même tué un de ses collègues peut, étrangement, d’une scène à l’autre, être passé au gril dans une salle d’interrogatoire fermée à triple tours puis se retrouver à enquêter librement. Ces astuces scénaristiques, qui se répètent, atténuent le soin apporté jusque-là à mettre en avant une enquête particulièrement délicate à mener. Enfin, et c’est certainement, le plus grand reproche qu’on peut faire, le final est expédié et bâclé alors que la lenteur du rythme était une des clefs de l’ensemble. Cette soudaine sécheresse dénote très clairement et laisse un profond goût d’inachevé qui coûte clairement un bon point au film. On comprend cependant assez mal pourquoi ce titre n’a pas plus grande presse et peine à s’extirper d’un certain oubli.
7,5